est la bonte
meme...
Au demeurant, les uns et les autres se rappelerent qu'ils devaient le
lendemain leur premiere visite au general commandant la ville de Caen.
Le lendemain, sur le midi, a l'heure militaire, le colonel, suivi des
officiers en grande tenue, frappait a la porte de M. le lieutenant
general comte de Beaulieu. Ces messieurs furent recus dans le grand
salon, orne d'une vieille tapisserie ou l'on voyait l'histoire de
Macette. L'appartement etait vaste et sombre. Le colonel presentait ses
officiers; ceux-ci saluaient, et le general disait un mot agreable a
chacun. Quand vint le tour du commandant Martin, le colonel le presenta
au general en le nommant d'une voix breve:
--Et si vous n'avez pas recu plus tot la visite du regiment, mon
general, la faute en est au commandant, qui s'est fait attendre.
Ce manque inusite de courtoisie, a propos d'un tel homme en un pareil
moment, fut assez mal recu dans toute la compagnie. Heureusement le
general, tres brave homme et tres juste en depit de tous les discours,
s'approchant du commandant:
--A coup sur, lui dit-il, vous etes l'officier Martin, le ressuscite
de Solferino. Faites-moi l'honneur de me donner la main. Si vous etes
arrive trop tard dans notre garnison, au moins vous avez ramene tout
votre monde, betes et gens, sans oublier le corbeau du regiment.
Vos devanciers ont laisse vingt hommes dans les hopitaux civils et
militaires. Soyez donc le bienvenu, mon cher commandant. Mais comment
se fait-il qu'apres vos belles actions d'Italie vous ayez ete si mal
recompense? Je suis-la, Dieu merci, pour rappeler vos droits et vos
services. Comptez donc sur mon zele et mon amitie.
Ces nobles paroles furent accueillies par un murmure approbateur.
--Mon general, repondit le commandant Martin, me voila paye de toutes
mes peines. A quoi bon la recompense? elle ne peut rien ajouter a
l'honneur que vous me faites. Tant pis pour moi, qui n'ai pas trouve
pour me defendre et me proteger quelque protectrice a la mode. Elles
font les colonels, elles defont les capitaines.
Comme il achevait de parler, la gardienne du logis, se precipitant dans
le salon avec des cris joyeux, monta sur la table et couvrit le bon
Martin de ses plus vives tendresses. Sa joie allait jusqu'au spasme,
et, pour peu qu'on ne l'eut pas menagee, elle touchait a la folie. Un
instant le general parut tres etonne, mais il se remit bien vite.
--Pardieu, commandant, que disiez-vous de la cruaute des
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