Tout disparut dans les lointains poudreux du Champ de Mars. Les
officiers venaient a la suite, et, le dernier de tous, le commandant
Martin, simple et calme a son habitude. Il reconnut ces dames, et la
petite bete a la portiere, qui regardait, curieuse, tout ce depart. Le
capitaine alors les saluant de l'epee:
--Adieu, Zemire!
Et Zemire aboya douloureusement.
Sur l'entrefaite revint Mariette. Un marechal des logis chef, interroge
par l'intelligente servante, repondit que c'etait tout au plus si le
commandant savait a l'avance la destination du regiment, et Mariette,
attristee, avait pense qu'il etait inutile de remettre la lettre
d'invitation.
Tout fit silence.
--Ah! ma tante, s'ecria la niece, je suis bien malheureuse, et que nous
avons de reproches a nous faire! Au moins devais-je lui dire le nom de
notre famille et que mon pere etait un des chefs de l'armee. Helas! le
voila parti sans se soucier de ces ingrates... Adieu, Zemire!
Et Zemire, voyant pleurer sa jeune maitresse, essuya ces beaux yeux qui
n'avaient pas souvent pleure.
C'est une tache ingrate, une entreprise difficile, de conduire a cent
lieues de distance une troupe de cavaliers. La route est longue, les
etapes sont designees a l'avance, les rafraichissements sont rares.
Chemin faisant, plus d'un cheval se deferre, et plus d'un homme en proie
au soleil tombe et se blesse dans la poussiere du grand chemin.
Toutes ces responsabilites, petites et grandes, pesent sur la tete du
commandant. Il repond de la sante de ses betes et de ses hommes. Il faut
qu'il improvise a chaque instant une ambulance, un hopital; c'est pis
que la guerre une pareille marche, et sitot que nos soldats n'ont plus
qui les regarde, a peine ils ont traverse les cites curieuses et les
hameaux etonnes, soudain s'en va toute gaiete; plus de rire et plus de
chanson. Rien de triste et de serieux comme un grand chemin qui n'en
finit pas; surtout l'heure etait mauvaise et mal choisie au mois de
juin. Pas un brin d'herbe a la prairie et pas une ombre aux arbres
languissants. Les anciens se montraient la-bas une longue vallee ou
murmuraient l'an passe tant de ruisseaux sur des rives hospitalieres. O
misere! les eaux limpides avaient disparu; le ruisseau etait plein
de cailloux; le cheval, harasse, cherche en vain sur les pommiers du
sentier quelques fruits verts pour apaiser la soif qui le devore. Le
pommier n'a plus de fruits, le soleil plus de nuages. Elle-meme, la
nuit, favorab
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