les dames dans son appartement, ou il avait "un cabinet
magnifique, avec trente tiroirs pleins chacun d'un bijou d'or et de
diamant. Il fit jouer toutes les dames a la rafle, et chacune eut son
lot. Le cabinet vide fut pour la trente et unieme dame. Dans chaque
lot il y avoit un secret, et dans chaque secret des pierreries qui
augmentaient fort la valeur du lot. Il n'y a pas eu une dame qui n'ait
ete tres contente de ces chiffonneries. Il y en avait pour quatre mille
pistoles."
Au mois de juin 1688, le soleil etant tres chaud et les bains tres
courus, Mme de Maintenon donnait a Mme de Chevreuse un equipage de bain,
tout entier de point d'Alencon et des plus magnifiques. Le meme soir,
on entendit un petit concert de tres jolis airs, composes par Mme la
Dauphine sur des paroles de Fontenelle. Il se glisse habilement dans
tous ces lieux de plaisirs, M. de Fontenelle. Il se fait humble et cache
avec autant de soin que les autres poetes en prennent pour se faire
voir. On louerait vraiment sa modestie, si l'on y pouvait croire. Il
menera pendant cent ans cette heureuse vie, et M. le regent d'Orleans
lui commandera, plus tard, une declaration de guerre contre les Anglais.
Notez bien que la musique etait partout, dans Versailles, a Marly. Les
_petits violons du roi_, comme on disait alors, representaient tout
un orchestre. Il y avait parmi ces petits violons des trompettes, des
clairons et des tambours; ils faisaient danser les danseuses du grand
appartement; ils accompagnaient les princesses dans les caveaux de
Saint-Denis. Quand on buvait a la sante du roi, les petits violons
chantaient en musique: _Vive le roi!_ au bruit des orgues, des
trompettes et des timbales. Que de _Te Deum_ ils ont celebres, et
combien de _De profundis!_
Manger avec le roi etait le plus grand honneur que Sa Majeste put faire
a l'un de ses sujets. Quand M. de Vauban eut eleve cette formidable
ligne de defenses sur nos frontieres du Nord, quand il eut renverse tant
de villes ennemies, le roi lui donna cent mille francs, et le pria a
diner. Jamais M. de Vauban n'avait eu l'honneur de manger avec le roi;
c'est pourquoi vous ne croirez pas un mot de cette etrange histoire de
Louis XIV invitant Moliere a dejeuner.
Quant aux sujets des causeries de Versailles, ils sont innombrables.
Tous les bruits de la ville arrivent aux oreilles de la cour. Chacun de
ces salons habites par les dames, jusque sous les combles du palais,
repete en veritable echo les
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