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Et les voila entourant la bete et son guide. Ils ne contenaient pas leur
joie; ils dansaient en rond et chantaient: Ami pourceau! quelle fete et
quel bonheur! Nous mangerons ton sang, nous mangerons ta chair! Nous
ferons des saucisses, des boudins, des grillades; ta tete et tes pieds
nous reposeront d'un long jeune!
Et tous ils etaient si contents, si joyeux, qu'ils ne virent pas meme le
bailli. Celui-ci poursuivit son chemin.
--Tu le vois bien, lui disait son camarade, avec son mechant rire, ces
paysans affames ne m'ont pas donne le pourceau de bon coeur.
Le bailli baissa la tete en se demandant ou en voulait venir le
prince des tenebres? Il savait que, de tous les logiciens de l'ecole
d'Aristote, le diable etait le plus grand de tous. Pas un argument qu'il
ne retorque, et pas un syllogisme dont il ne trouve a l'instant meme le
defaut.
Cependant ils arriverent a la porte d'une cabane, et sur le seuil ils
trouverent une humble vieille qui filait sa quenouille en agitant de son
pied lasse un petit berceau. L'enfant criait et gemissait; il appelait
sa mere; il avait faim. La mere etait au loin qui ramassait des branches
mortes, et l'enfant criait toujours:
--Ah! maudit enfant, disait la vieille, que le diable t'emporte!
Ici, le mechant bailli eut encore un certain espoir. La vieille etait si
pauvre! un enfant de plus dans cette cabane etait une bouche de plus. Ce
triste bailli s'imaginait que la corvee avait reduit ces hommes et ces
femmes a n'etre plus que des betes sauvages dans les bois. On eut dit
que son compere aux pieds fourchus partageait ses idees. Deja meme il
tendait la main pour s'emparer de la frele epave, et c'en etait fait, le
diable etait vaincu... Mais sitot que l'ombre eut touche le berceau, la
vieille, aux bras vigoureux encore, emporta le petit enfant du cote de
sa mere. Elle arrivait, celle-ci, chargee de ramee:
Messire loup, n'ecoutez mie
Mere tenchant, son fieu qui crie.
--Arrive donc! ma fille, s'ecria la mere-grand. L'enfant t'appelle, il a
soif, il a faim, et je ne puis que le bercer.
La jeune mere, a l'instant meme, jetant son fardeau, decouvrit sa
mamelle et le montra a l'enfant, qui se prit a sourire.
--Ah! je te plains, dit le demon a son compagnon; tu vois que j'y
mettais de la bonne volonte, mais tu ne saurais soutenir que la vieille
m'ait donne son petit enfant de bonne grace. Allons, courage! et
cherchons autre chose. Nous avons encore du chemin a faire avan
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