r a la France les iles de la Grece, qu'il avait noue des
intrigues avec Malte, dans l'espoir de l'enlever aux chevaliers et aux
Anglais; enfin, qu'il avait souvent porte les yeux sur l'Egypte, comme
le point intermediaire que la France devait occuper entre l'Europe et
l'Asie, pour s'assurer du commerce du Levant ou de celui de l'Inde.
Cette idee avait envahi son imagination, et le preoccupait violemment.
Il existait au ministere des affaires etrangeres de precieux documens
sur l'Egypte, sur son importance coloniale, maritime et militaire; il
se les fit transmettre par M. de Talleyrand, et se mit a les devorer.
Oblige de parcourir les cotes de l'Ocean pour l'execution du projet
sur l'Angleterre, il remplit sa voiture de voyages et de memoires sur
l'Egypte. Ainsi, tout en paraissant obeir aux voeux du directoire, il
songeait a une autre entreprise; il etait de sa personne sur les greves
et sous le ciel de l'ancienne Batavie, mais son imagination errait sur
les rivages de l'Orient. Il entrevoyait un avenir confus et immense.
S'enfoncer dans ces contrees de la lumiere et de la gloire, ou Alexandre
et Mahomet avaient vaincu et fonde des empires, y faire retentir son nom
et le renvoyer en France, repete par les echos de l'Asie, etait pour lui
une perspective enivrante.
Il se mit donc a parcourir les cotes de l'Ocean pendant les mois de
pluviose et de ventose (janvier et fevrier 1798), donnant une excellente
direction aux preparatifs de descente, mais en proie a d'autres pensees
et a d'autres projets.
Tandis que la republique dirigeait toutes ses forces contre
l'Angleterre, elle avait encore d'importans interets a regler sur le
continent. Sa tache politique y etait immense. Elle avait a traiter a
Rastadt avec l'Empire, c'est-a-dire avec la feodalite elle-meme; elle
avait a diriger dans les voies nouvelles trois republiques ses filles,
les republiques batave, cisalpine et ligurienne. Placee a la tete du
systeme democratique, et en presence du systeme feodal, elle devait
empecher les chocs entre ces systemes, pour n'avoir pas a recommencer la
lutte qu'elle venait de terminer avec tant de gloire, mais qui lui avait
coute de si horribles efforts. Telle etait sa tache, et elle n'offrait
pas moins de difficultes que celle d'attaquer et de ruiner l'Angleterre.
Le Congres de Rastadt etait reuni depuis deux mois; Bonnier, homme de
beaucoup d'esprit, Treillard, homme probe, mais rude, y representaient
la France. Bonaparte, dans le
|