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e de grands ifs et de cypres, vieux quartier des anciens morts qui redeviendra bientot un quartier neuf, dont on abattra les arbres verts, nourris de cadavres humains, pour aligner les recents trepasses sous de petites galettes de marbre. Quand j'eus erre la le temps de me rafraichir l'esprit, je compris que j'allais m'ennuyer et qu'il fallait porter au dernier lit de ma petite amie l'hommage fidele de mon souvenir. J'avais le coeur un peu serre en arrivant pres de sa tombe. Pauvre chere, elle etait si gentille, et si amoureuse, et si blanche, et si fraiche ... et maintenant ... si on ouvrait ca... Penche sur la grille de fer, je lui dis tout bas ma peine, qu'elle n'entendit point sans doute, et j'allais partir quand je vis une femme en noir, en grand deuil, qui s'agenouillait sur le tombeau voisin. Son voile de crepe releve laissait apercevoir une jolie tete blonde, dont les cheveux en bandeaux semblaient eclaires par une lumiere d'aurore sous la nuit de sa coiffure. Je restai. Certes, elle devait souffrir d'une profonde douleur. Elle avait enfoui son regard dans ses mains, et rigide, en une meditation de statue, partie en ses regrets, egrenant dans l'ombre des yeux caches et fermes le chapelet torturant des souvenirs, elle semblait elle-meme etre une morte qui penserait a un mort. Puis tout a coup je devinai qu'elle allait pleurer, je le devinai a un petit mouvement du dos pareil a un frisson de vent dans un saule. Elle pleura doucement d'abord, puis plus fort, avec des mouvements rapides du cou et des epaules. Soudain elle decouvrit ses yeux. Ils etaient pleins de larmes et charmants, des yeux de folle qu'elle promena autour d'elle, en une sorte de reveil de cauchemar. Elle me vit la regarder, parut honteuse et se cacha encore toute la figure dans ses mains. Alors ses sanglots devinrent convulsifs, et sa tete lentement se pencha, vers le marbre. Elle y posa son front, et son voile se repandant autour d'elle couvrit les angles blancs de la sepulture aimee, comme un deuil nouveau. Je l'entendis gemir, puis elle s'affaissa, sa joue sur la dalle, et demeura immobile, sans connaissance. Je me precipitai vers elle, je lui frappai dans les mains, je soufflai sur ses paupieres, tout en lisant l'epitaphe tres simple: "Ici repose Louis-Theodore Carrel, capitaine d'infanterie de marine, tue par l'ennemi, au Tonkin. Priez pour lui." Cette mort remontait a quelques mois. Je fus attendri jusqu'aux larmes, et je redoublai m
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