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"Bigre de bigre!" dit Pompon tout bas a Madame Polge... C'est le
Valaque."
La petite pancarte bleue accrochee en haut du berceau, comme dans les
hospices, constate en effet la nationalite de l'enfant: "Moldo-Valaque."
Quel guiguon que l'attention de M. le secretaire se soit portee
justement sur celui-la!... Oh! la pauvre petite tete couchee sur
l'oreiller, son beguin de travers, les narines pincees, la bouche
entr'ouverte par un souffle court, haletant, le souffle de ceux qui
viennent de naitre, aussi de ceux qui vont mourir...
"Est-ce qu-il est malade? demande doucement M. le secretaire au
directeur qui s'est rapproche.
--Mais pas le moins du monde..." a repondu l'effronte Pompon, et
s'avancant vers le berceau, il fait une risette au petit avec son doigt,
redresse l'oreiller, dit d'une voix male un peu bourrue de tendresse:
"Eh! ben, mon vieux bonhomme?..." Secoue de sa torpeur, sortant de
l'ombre qui l'enveloppe deja, le petit ouvre les yeux sur ces visages
penches vers lui, les regarde avec une morne indifference, puis,
retournant a son reve qu'il trouve plus beau, crispe ses petites mains
ridees et pousse un soupir insaisissable. Mystere! Qui dira ce qu'il
etait venu faire dans la vie, celui-la? Souffrir deux mois, et s'en
aller sans avoir rien vu, rien compris, sans qu'on connaisse seulement
le son de sa voix.
"Comme il est pale!..." murmure M. de la Perriere, tres pale lui-meme.
Le Nabab est livide aussi. Un souffle froid vient de passer. Le
directeur prend un air degage:
"C'est le reflet... nous sommes tous verts ici.
--Mais oui... mais oui... fait Jenkins, c'est le reflet de la piece
d'eau... Venez donc voir, monsieur le secretaire." Et il l'attire vers
la croisee pour lui montrer la grande piece d'eau ou trempent les
saules, pendant que madame Polge se depeche de tirer sur le reve eternel
du petit Valaque les rideaux detendus de sa bercelonnette.
Il faut continuer bien vite la visite de l'etablissement, pour detruire
cette facheuse impression.
D'abord on montre a M. de la Perriere une buanderie splendide, avec
etuves, sechoirs, thermometres, immenses armoires de noyer cire, pleines
de beguins, de brassieres, etiquetes, noues par douzaines. Une fois le
linge chauffe, la lingere le passe par un petit guichet en echange du
numero que laisse la nourrice. On le voit, c'est un ordre parfait, et
tout, jusqu'a sa bonne odeur de lessive, donne a cette piece un aspect
sain et campagnard. Il y a
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