ues, aupres de
leur pere, groupees un peu comme a la vitrine du rez-de-chaussee, et
la vieille servante apportant sur la table du salon, ou l'on venait de
passer, un magnifique service a the, debris des anciennes splendeurs
du menage, tout le monde appelait la jeune fille "Bonne Maman..." sans
qu'elle s'en fatiguat une seule fois, l'influence de ce nom beni mettant
dans leur tendresse a tous une deference qui la flattait et donnait a
son autorite ideale une singuliere douceur de protection.
Est-ce a cause de ce titre d'aieule que tout enfant il avait appris
a cherir, mais de Gery trouva a cette jeune fille une seduction
inexprimable. Cela ne ressemblait pas au coup subit qu'il avait recu
d'une autre en plein coeur, a ce trouble ou se melaient l'envie de fuir,
d'echapper a une possession, et la melancolie persistante que laisse un
lendemain de fete, lustres eteints, refrains perdus, parfums envoles
dans la nuit. Non, devant cette jeune fille debout, surveillant la table
de famille, regardant si rien ne manquait, abaissant sur ses enfants,
ses petits enfants, la tendresse active de ses yeux, il lui venait la
tentation de la connaitre, d'etre de ses amis depuis longtemps, de lui
confier des choses qu'il ne s'avouait qu'a lui-meme, et quand elle lui
offrit sa tasse sans mievrerie mondaine ni gentillesse de salon, il
aurait voulu dire comme les autres un "merci, Bonne Maman" ou il aurait
mis tout son coeur.
Soudain, un coup joyeux, vigoureusement frappe, fit tressauter tout le
monde.
"Ah! voila M. Andre... Elise, vite une tasse... Yaia, les petits
gateaux..." Pendant ce temps mademoiselle Henriette, la troisieme des
demoiselles Joyeuse, qui avait herite de sa mere, nee de Saint-Amand,
un certain cote mondain, voyant cette affluence, ce soir-la, dans les
salons, se precipitait pour allumer les deux bougies du piano.
"Mon cinquieme acte est fini..." s'ecria le nouveau venu des en entrant,
puis il s'arreta net. "Ah! pardon." et sa figure prit une expression
un peu deconfite en face de l'etranger. M. Joyeuse les presenta l'un
a l'autre: M. Paul de Gery--M. Andre Maranne, non sans une certaine
solennite. Il se rappelait les anciennes receptions de sa femme; et les
vases de la cheminee, les deux grosses lampes, le bonheur-du-jour, les
fauteuils groupes en rond avaient l'air de partager cette illusion, plus
brillants et rajeunis par cette presse inaccoutumee.
"Alors, votre piece est finie?
--Finie, M. Joyeuse, et je co
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