pres d'elle, son Cadet, lui rendre un peu de tout le bien qu'il
lui faisait, payer en une fois cet arriere de tendresse de calineries
maternelles qu'elle lui devait.
Mais, voyez-vous, ces fortunes de roi ont les charges, les tristesses
des existences royales. Cette pauvre mere Jansoulet, dans son milieu
eblouissant, etait bien comme une vraie reine, connaissant les longs
exils, les separations cruelles et les epreuves qui compensent la
grandeur; un de ses fils, eternellement stupefait, l'autre, au lointain,
ecrivant peu, absorbe par ses grandes affaires, disant toujours: "Je
viendrai," et ne venant pas. En douze ans, elle ne l'avait vu qu'une
fois, dans le tourbillon d'une visite du bey a Saint-Romans: un train
de chevaux, de carrosses, de petards, de fetes. Puis, il etait reparti
derriere son monarque, ayant a peine le temps d'embrasser sa vieille
mere, qui n'avait garde de cette grande joie, si impatiemment attendue,
que quelques images de journaux, ou l'on montrait Bernard Jansoulet,
arrivant au chateau avec Ahmed et lui presentant sa vieille
mere,--n'est-ce pas ainsi que les rois et les reines ont leurs effusions
de famille illustrees dans les feuilles,--plus un cedre du Liban, amene
du bout du monde, un grand "caramantran" de gros arbre, d'un transport
aussi couteux, aussi encombrant que l'obelisque, hisse, mis en place a
force d'hommes, d'argent, d'attelages, et qui pendant longtemps
avait bouleverse tous les massifs pour l'installation d'un souvenir
commemoratif de la visite royale. Au moins, a ce voyage-ci, le sachant
en France pour plusieurs mois, peut-etre pour toujours, elle esperait
avoir son Bernard tout a elle. Et voici qu'il lui arrivait un beau soir,
enveloppe de la meme gloire triomphante, du meme appareil officiel,
entoure d'une foule de comtes, de marquis, de beaux messieurs de Paris,
remplissant, eux et leurs domestiques, les deux grands breacks qu'elle
avait envoyes les attendre a la petite gare de Giffas, de l'autre cote
du Rhone.
"Mais, embrassez-moi donc, ma chere maman. Il n'y a pas de honte a
serrer bien fort contre son coeur son garcon, qu'on n'a pas vu depuis
des annees... D'ailleurs, tous ces messieurs sont nos amis... Voici M.
le marquis de Monpavon, M. le marquis de Bois-l'Hery... Ah! ce n'est
plus le temps ou je vous amenais pour manger la soupe de feves avec
nous, le petit Cabassu et Bompain Jean-Baptiste... Vous connaissez M.
de Gery?... Avec mon vieux Cardailhac, que je vous presen
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