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fort sans doute, le train avancait toujours, le Nabab marchant a cote, essayant d'ouvrir cette maudite portiere qui tenait ferme, et de l'autre faisant un signe de commandement a la machine. La machine n'obeissait pas. "Arretez donc!" Elle n'arretait pas. Impatiente, il sauta sur le marchepied garni de velours et avec sa fougue un peu impudente qui plaisait tant a l'ancien bey, il cria, sa grosse tete crepue a la portiere: "Station de Saint-Romans, Altesse." Vous savez, cette sorte de lumiere vague qu'il y a dans le reve, cette atmosphere decoloree et vide, ou tout prend un aspect de fantome, Jansoulet en fut brusquement enveloppe, saisi, paralyse. Il voulut parler, les mots ne venaient pas; ses mains molles tenaient leur point d'appui si faiblement qu'il manqua tomber a la renverse. Qu'avait-il donc vu? A demi couche sur un divan qui tenait le fond du salon, reposant sur le coude sa belle tete aux tons mats, a la longue barbe soyeuse et noire, le bey, boutonne haut dans sa redingote orientale, sans autres ornements que le large cordon de la Legion d'honneur en travers sur sa poitrine et l'aigrette en diamant de son bonnet, s'eventait, impassible, avec un petit drapeau de sparterie brodee d'or. Deux aides de camp se tenaient debout pres de lui ainsi qu'un ingenieur de la compagnie. En face, sur un autre divan, dans une attitude respectueuse, mais favorisee, puisqu'ils etaient les seuls assis devant le bey, jaunes tous deux, leurs grands favoris tombant sur la cravate blanche, deux hiboux, l'un gras et l'autre maigre... C'etait Hemerlingue pere et fils, ayant reconquis l'Altesse et l'emmenant en triomphe a Paris... L'horrible reve! Tous ces gens-la, qui connaissaient bien Jansoulet pourtant, le regardaient froidement comme si son visage ne leur rappelait rien... Bleme a faire pitie, la sueur au front, il begaya: "Mais, Altesse, vous ne descendez..." Un eclair livide en coup de sabre suivi d'un eclat de tonnerre epouvantable lui coupa la parole. Mais l'eclair qui brilla dans les yeux du souverain lui parut autrement terrible. Dresse, le bras tendu, d'une voix un peu gutturale habituee a rouler les dures syllabes arabes, mais dans un francais tres pur, le bey le foudroya de ces paroles lentes et preparees: "Rentre chez toi, Mercanti. Le pied va ou le coeur le mene, le mien n'ira jamais chez l'homme qui a vole mon pays." Jansoulet voulut dire un mot. Le bey fit un signe: "Allez!" Et l'ingenieur ayant pousse un timbr
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