ns du programme,
l'emerveillement des ames sensibles.
Deux fois par mois, a tour de role, les eleves faisant partie de la
petite societe de Saint-Vincent-de-Paul, fondee au college sur le modele
de la grande, s'en allaient par petites escouades, seuls comme des
hommes, porter au fin fond des faubourgs populeux des secours et des
consolations. On voulait leur apprendre ainsi la charite experimentale,
l'art de connaitre les besoins, les miseres du peuple, et de panser
ses plaies, toujours un peu ecoeurantes, a l'aide d'un cerat de bonnes
paroles et de maximes ecclesiastiques. Consoler, evangeliser les masses
par l'enfance, desarmer l'incredulite religieuse par la jeunesse et
la naivete des apotres: tel etait le but de la petite Societe, but
entierement manque, du reste. Les enfants bien portants, bien vetus,
bien nourris, n'allant qu'a des adresses designees d'avance, trouvaient
des pauvres de bonne mine, parfois un peu malades, mais tres propres,
deja inscrits et secourus par la riche organisation de l'Eglise. Jamais
ils ne tombaient dans un de ces interieurs nauseabonds, ou la faim,
le deuil, l'abjection, toutes les tristesses physiques ou morales
s'inscrivent en lepre sur les murs, en rides indelibiles sur les fronts.
Leur visite etait preparee comme celle du souverain entrant dans un
corps de garde pour gouter la soupe du soldat; le corps de garde est
prevenu, et la soupe assaisonnee pour les papilles royales... Avez-vous
vu ces images des livres edifiants, ou un petit communiant, sa ganse au
bras, son cierge a la main, et tout frise, vient assister sur son grabat
un pauvre vieux qui tourne vers le ciel des yeux blancs? Les visites
de charite avaient le meme convenu de mise en scene, d'intonation.
Aux gestes compasses des petits predicateurs aux bras trop courts,
repondaient des paroles apprises, fausses a faire loucher. Aux
encouragements comiques, aux "consolations prodiguees" en phrases de
livres de prix par des voix de jeunes coqs enrhumes, les benedictions
attendries, les momeries geignardes et piteuses d'un porche d'eglise
a la sortie de vepres. Et sitot les jeunes visiteurs partis, quelle
explosion de rires et de cris dans la mansarde, quelle danse en rond
autour de l'offrande apportee, quel bouleversement du fauteuil ou l'on
avait joue au malade, de la tisane repandue dans le feu, un feu de
cendres tres artistement prepare!
Quand les petits Jansoulet sortaient, chez leurs parents, on les
confiait a l'homme
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