ure, et la, du moins, il retrouvait la superiorite de
mademoiselle Afchin.
"Elle avait l'instinct du theatre," comme disait Cardailhac; mais, en
revanche, l'instinct maternel lui manquait. Jamais elle ne s'occupait de
ses enfants, les abandonnant a des mains etrangeres, et, quand on les
lui amenait, une fois par mois, se contentant de leur tendre la chair
flasque et morte de ses joues entre deux bouffees de cigarette, sans
s'informer de ces details de soins, de sante qui perpetuent l'attache
physique de la maternite, font saigner dans le coeur des vraies meres la
moindre souffrance de leurs enfants.
C'etaient trois gros garcons, lourds et apathiques, de onze, neuf
et sept ans, ayant, dans le teint bleme et l'enflure precoce de la
Levantine, les yeux noirs, veloutes et bons de leur pere. Ignorants
comme de jeunes seigneurs du moyen age; a Tunis, M. Bompain dirigeait
leurs etudes, mais a Paris, le Nabab, tenant a leur donner le benefice
d'une education parisienne, les avait mis dans le pensionnat le plus
"chic," le plus cher, au college Bourdaloue dirige par de bons Peres qui
cherchaient moins a instruire leurs eleves qu'a en faire des hommes du
monde bien tenus et bien pensants, et arrivaient a former de petits
monstres gourmes et ridicules, dedaigneux du jeu, absolument ignorants,
sans rien de spontane ni d'enfantin, et d'une precocite desesperante.
Les petits Jansoulet ne s'amusaient pas beaucoup dans cette serre a
primeurs, malgre les immunites dont jouissait leur immense fortune;
ils etaient vraiment trop abandonnes. Encore les creoles confies a
l'institution avaient-ils des correspondants et des visites; eux,
n'etaient jamais appeles au parloir, on ne connaissait personne de leurs
proches, seulement, du temps a autre, ils recevaient des pannerees de
friandises, des ecroulements de brioches. Le Nabab, en course dans
Paris, devalisait pour eux toute une devanture de confiseur qu'il
faisait porter au college avec cet elan de coeur mele d'une ostentation
de negre, qui caracterisait tous ses actes. De meme pour les joujoux,
toujours trop beaux, pomponnes, inutiles, de ces joujoux qui font la
montre et que le Parisien n'achete pas. Mais ce qui attirait surtout
aux petits Jansoulet le respect des eleves et des maitres, c'etait leur
porte-monnaie gonfle d'or, toujours pret pour les quetes, pour les
fetes de professeurs, et les visites de charite, ces fameuses visites
organisees par le college Bourdaloue, une des tentatio
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