a paru negliger dans la question sociale et politique cet _element
constant_, ou du moins tres-peu variable, donne par la nature et
l'histoire, a savoir, le caractere de la nation francaise. Il n'a
jamais vu ou voulu voir que l'homme en general, et non pas l'homme des
moralistes, celui de La Rochefoucauld et de La Bruyere, mais l'homme des
droits, l'homme abstrait. En juillet 1815, entre Waterloo et la seconde
rentree des Bourbons, il prit le plus grand interet[77], comme on sait, a
la Declaration de la Chambre des representants. "Cette piece admirable,
ecrit-il avec raison en s'y reconnaissant, presente ce que la France a
voulu constamment depuis 89 et ce qu'elle voudra toujours jusqu'a ce
qu'elle l'ait obtenu." Et il ajoute: "Ceux qui accusent les Francais de
legerete devraient penser qu'au bout de vingt-six ans de revolution ils
se retrouvent dans les memes dispositions qu'ils manifesterent a son
commencement." Mais, en supposant que les Francais de 1815 aient ete
assez unanimes sur cette Declaration avec la Chambre des representants
(ce que rien ne prouve) pour ne pas etre accuses de legerete, n'etait-ce
donc pas trop deja, au point de vue de La Fayette, qu'apres avoir ete
les Francais de 89, ils eussent ete ceux du Directoire, ceux du 18
brumaire, du couronnement et des pompes idolatriques de l'Empire? N'en
voila-t-il pas plus qu'il ne fallait pour croire encore au vieux defaut
national, a la legerete? On trouvera peut-etre que j'insiste trop sur
cette illusion de La Fayette, sur cette vue obstinee et incomplete,
selon laquelle il ne cessait de decouper dans l'etoffe ondoyante de
l'homme et du Francais l'exemplaire uniforme de son citoyen. Mais, dans
l'etude du caractere, j'_injecte_ de mon mieux, pour la dessiner aux
regards, la veine ou l'artere principale. Je veux tout dire, d'ailleurs,
de ma pensee: tout n'etait pas illusoire dans cette vue perseverante,
et, pour mieux aboutir a sa fin, il fallait peut-etre ainsi qu'elle se
resserrat. La Fayette avait attache de bonne heure son honneur et son
renom au triomphe de certaines idees, de certaines verites politiques;
cela etait devenu sa mission, son role special, dans les divers actes de
notre grand drame revolutionnaire, de reparaitre droit et fixe avec
ces articles ecrits sur le meme drapeau. Qu'a defaut de triomphe on
ne perdit pas de vue drapeau et articles inscrits, avec lesquels il
s'identifiait, c'est ce qu'il voulait du moins. Ce qu'il avait declare
en 89, i
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