s a une epoque de retraite, d'oubli et
de parfait desinteressement, loin des rumeurs de l'idole populaire, y
gagnent en elevation et en etendue. J'en extrais toute la conclusion[78]:
[Note 78: Malgre la longueur, je n'ai pas voulu priver le lecteur de
cette reproduction textuelle; les citations decoupees par la critique
dessinent l'homme mieux que si l'on renvoyait au livre. La bonne
critique n'est souvent qu'une bordure.--Et puis, en me livrant tout a
l'heure a mon extreme analyse, je comptais bien en corriger a temps
l'impression, en recouvrir la minutie un peu severe, par l'effet de ce
large morceau, devenu en tout necessaire au complement de ma pensee et a
la proportion de mon jugement.]
"Guerre et politique, voila deux champs de gloire ou Bonaparte
exerce une grande superiorite de combinaisons et de caractere; non
qu'il me convienne comme a ses flatteurs de lui attribuer cette
force nationale primitive qui naquit avec la Revolution et qui,
indomptable sous les chefs les plus mediocres, valut tant de
triomphes aux grands generaux, ou que je voulusse oublier quand et
par qui furent faites la plupart des conquetes qui ont fixe les
limites de la France; mais, parmi tant de capitaines qui ont releve
la gloire de nos armes, il n'en est aucun qui puisse presenter un si
brillant faisceau de succes militaires. Personne, depuis Cesar, n'a
autant montre cette prodigieuse activite de calcul et d'execution
qui, au bout d'un temps donne, doit assurer a Bonaparte l'avantage
sur ses rivaux. Permettons-lui, sous ce rapport, d'en vouloir un
peu a la philosophie moderne qui tend a desenchanter le monde du
prestige des conquetes, et qui, modifiant l'opinion de l'Europe et
le ton de l'histoire, fait demander quelles furent les vertus d'un
heros, et de quelle maniere la victoire influa sur le bien-etre des
nations.
"Ce n'est pas non plus dans les nobles regions de l'interet general
qu'il faut chercher la politique de Bonaparte. Elle n'a d'objet,
comme on l'a dit, que _la construction de lui-meme_; mais le feu
sombre et devorant d'une ambition bouillante et neanmoins dirigee
par de profonds calculs a du produire de grandes conceptions, de
grandes actions, et augmenter l'eclat et l'influence de la nation
dont il a besoin pour commander au monde. Ce monde etait d'ailleurs
si pitoyablement gouverne, qu'en se trouvant a la tete d'un
|