La Fayette et de ses bonnes fortunes dans
sa jeunesse, disait en begayant et de l'air le plus serieux: "M. de La
Fayette a eu madame de Simiane; et madame de Simiane! ce n'etait pas
chose facile: ne l'avait pas qui voulait!" Il paraissait faire plus de
cas de lui pour cette conquete que pour toutes celles de 89.]
Dans cette meme guerre d'Amerique, a son second voyage (1780), La
Fayette arrive a Boston, precedant de peu l'escadre francaise qui amene
les troupes de M. de Rochambeau; c'est un secours qu'il a obtenu de
Versailles a l'insu de l'Amerique et par son credit personnel. Mais le
corps francais est peu considerable; pendant toute la campagne de 1780,
M. de Rochambeau croit devoir rester a Rhode-Island. La Fayette s'en
impatiente et lui ecrit tout naturellement: "Je vous l'avouerai en
confidence, au milieu d'un pays etranger, mon amour-propre souffre de
voir les Francais bloques a Rhode-Island, et le depit que j'en ressens
me porte a desirer qu'on opere." Il y avait mele quelque premiere
vivacite envers M. de Rochambeau, qu'il retracte. Rochambeau lui repond,
et on remarque cette phrase, qui va juste a l'adresse de ce meme
sentiment d'honorable susceptibilite auquel nous avons vu deja
Washington repondre: "C'est toujours bien fait, mon cher marquis, de
croire les Francais invincibles; mais je vais vous confier un grand
secret d'apres une experience de quarante ans: Il n'y en a pas de plus
aises a battre, quand ils ont perdu la confiance en leur chef; et ils
la perdent tout de suite, quand ils ont ete compromis a la suite de
l'ambition particuliere et personnelle." La Fayette alors se retourne
vers Washington, et sollicite de lui une certaine expedition dont
il precise les bases, qui aurait de l'eclat, dit-il, des avantages
probables pour le moment et un immense pour l'avenir; qui, enfin, si
elle ne reussit pas, n'entraine pas de suites fatales. Washington
repond: "Il est impossible, mon cher marquis, de desirer plus ardemment
que je ne fais, de terminer cette campagne par un coup heureux; mais
nous devons plutot consulter nos moyens que nos desirs, et ne pas
essayer d'ameliorer l'etat de nos affaires par des tentatives dont le
mauvais succes les ferait empirer. Il faut deplorer que l'on ait mal
compris notre situation en Europe; mais, pour tacher de recouvrer notre
reputation, nous devons prendre garde de la compromettre davantage."
On voit que chacun reste dans son role; mais ces roles divers se
reproduisent trop
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