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s circonstances,
de regner arbitrairement sur l'Europe; mais, pour satisfaire cette
manie geographiquement gigantesque et moralement mesquine, il a
fallu gaspiller un immense emploi de forces intellectuelles et
physiques, il a fallu appliquer tout le genie du machiavelisme a la
degradation des idees liberales et patriotiques, a l'avilissement
des partis, des opinions et des personnes; car celles qui se
devouent a son sort n'en sont que plus exposees a cette double
consequence de son systeme et de son caractere; il a fallu joindre
habilement l'eclat d'une brillante administration aux sottises,
aux taxes et aux vexations necessaires a un plan de despotisme, de
corruption et de conquete, se tenir toujours en garde contre
l'independance et l'industrie, en hostilite contre les lumieres, en
opposition a la marche naturelle de son siecle; il a fallu chercher
dans son propre coeur a se justifier le mepris pour les hommes, et
dans la bassesse des autres a s'y maintenir; renoncer ainsi a
etre aime, comme par ses variations politiques, philosophiques et
religieuses, il a renonce a etre cru; il a fallu encourir la
malveillance presque universelle de tous les gens qui ont droit
d'etre mecontents de lui, de ceux qu'il a rendus mecontents
d'eux-memes, de ceux qui, pour le maintien et l'honneur des bons
sentiments, voient avec peine le triomphe des principes immoraux; il
a fallu enfin fonder son existence sur la continuite du succes, et,
en exploitant a son profit le mouvement revolutionnaire, oter aux
ennemis de la France et se donner a lui-meme tout l'odieux de ces
guerres auxquelles on ne voit plus de motifs que l'etablissement de
sa puissance et de sa famille.
"Quel sera pour lui pendant sa vie, et surtout dans la posterite, le
resultat definitif du defaut d'equilibre entre sa tete et son coeur?
Je suis porte a n'en pas bien augurer; mais je n'ai voulu, dans cet
apercu de sa conduite, qu'expliquer de plus en plus la mienne; elle
ne peut etre imputee a aucun sentiment de haine ou d'ingratitude.
J'avais de l'attrait pour Bonaparte; j'avoue meme que, dans mon
aversion de la tyrannie, je suis plus choque encore de la soumission
de tous que de l'usurpation d'un seul. Il n'a tenu qu'a moi de
participer a toutes les faveurs compatibles avec son systeme.
Beaucoup d'hommes ont concouru a ma delivra
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