r lui ne fut pres;
Madere apercevait ses mats, trois jours apres
L'Hekla l'entrevoyait dans la lueur polaire.
La bataille montait sur lui dans sa colere.
La guerre etait sacree et sainte en ce temps-la;
Rien n'egalait Nemrod si ce n'est Attila;
Et les hommes, depuis les premiers jours du monde,
Sentant peser sur eux la misere infeconde,
Les pestes, les fleaux lugubres et railleurs,
Cherchant quelque moyen d'amoindrir leurs douleurs,
Pour etablir entre eux de justes equilibres,
Pour etre plus heureux, meilleurs, plus grands, plus libres,
Plus dignes du ciel pur qui les daigne eclairer,
Avaient imagine de s'entre-devorer.
Ce sinistre vaisseau les aidait dans leur oeuvre.
Lourd comme le dragon, prompt comme la couleuvre,
Il couvrait l'ocean de ses ailes de feu;
La terre s'effrayait quand sur l'horizon bleu
Rampait l'allongement hideux de sa fumee,
Car c'etait une ville et c'etait une armee;
Ses pavois fourmillaient de mortiers et d'affuts,
Et d'un herissement de bataillons confus;
Ses grappins menacaient; et, pour les abordages,
On voyait sur ses ponts des rouleaux de cordages
Monstrueux, qui semblaient des boas endormis;
Invincible, en ces temps de freres ennemis,
Seul, de toute une flotte il affrontait l'emeute,
Ainsi qu'un elephant au milieu d'une meute;
La bordee a ses pieds fumait comme un encens,
Ses flancs engloutissaient les boulets impuissants,
Il allait broyant tout dans l'obscure melee,
Et, quand, epouvantable, il lachait sa volee,
On voyait flamboyer son colossal beaupre,
Par deux mille canons brusquement empourpre.
Il meprisait l'autan, le flux, l'eclair, la brume.
A son avant tournait, dans un chaos d'ecume,
Une espece de vrille a trouer l'infini.
Le Maelstroem s'apaisait sous sa quille aplani.
Sa vie interieure etait un incendie,
Flamme au gre du pilote apaisee ou grandie;
Dans l'antre d'ou sortait son vaste mouvement,
Au fond d'une fournaise on voyait vaguement
Des etres tenebreux marcher dans des nuees
D'etincelles, parmi les braises remuees;
Et pour ame il avait dans sa cale un enfer.
Il voguait, roi du gouffre, et ses vergues de fer
Ressemblaient, sous le ciel redoutable et sublime,
A des spectres poses en travers de l'abime;
Ainsi qu'on voit l'Etna l'on voyait le steamer;
Il etait la montagne errante de la mer.
Mais les heures, les jours, les mois, les ans, ces ondes,
Ont passe; l'ocean, v
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