cents pressentir des damnes,
Et la pitie n'est plus leur unique attitude;
Ils re regardent plus la morne servitude
Tresser sa maille obscure a l'osier des berceaux.
L'homme aux fers, penetre du frisson des roseaux,
Est remplace par l'homme attendri, fort et calme;
La fonction du sceptre est faite par la palme;
Voici qu'enfin, o gloire! exauces dans leur voeu,
Ces etres, dieux pour nous, creatures pour Dieu,
Sont heureux, l'homme est bon, et sont fiers, l'homme est juste.
Les esprits purs, essaim de l'empyree auguste,
Devant ce globe obscur qui devient lumineux,
Ne sentent plus saigner l'amour qu'ils ont en eux;
Une clarte parait dans leur beau regard sombre;
Et l'archange commence a sourire dans l'ombre.
Ou va-t-il, ce navire? Il va, de jour vetu,
A l'avenir divin et pur, a la vertu,
A la science qu'on voit luire,
A la mort des fleaux, a l'oubli genereux,
A l'abondance, au calme, au rire, a l'homme heureux;
Il va, ce glorieux navire,
Au droit, a la raison, a la fraternite,
A la religieuse et sainte verite
Sans impostures et sans voiles,
A l'amour, sur les coeurs serrant son doux lien,
Au juste, au grand, au bon, au beau...--Vous voyez bien
Qu'en effet il monte aux etoiles!
Il porte l'homme a l'homme, et l'esprit a l'esprit.
Il civilise, o gloire! Il ruine, il fletrit
Tout l'affreux passe qui s'effare;
Il abolit la loi de fer, la loi de sang,
Les glaives, les carcans, l'esclavage, en passant
Dans les cieux comme une fanfare.
Il ramene au vrai ceux que le faux repoussa;
Il fait briller la foi dans l'oeil de Spinosa
Et l'espoir sur le front de Hobbe;
Il plane, rassurant, rechauffant, epanchant
Sur ce qui fut lugubre et ce qui fut mechant
Toute la clemence de l'aube.
Les vieux champs de bataille etaient la dans la nuit;
Il passe, et maintenant voila le jour qui luit
Sur ces grands charniers de l'histoire
Ou les siecles, penchant leur oeil triste et profond,
Venaient regarder l'ombre effroyable que font
Les deux ailes de la victoire.
Derriere lui, Cesar redevient homme; Eden
S'elargit sur l'Erebe, epanoui soudain;
Les ronces de lys sont couvertes;
Tout revient, tout renait; ce que la mort courbait
Refleurit dans la vie, et le bois du gibet
Jette, effraye, des branches vertes.
Le nuage, l'aurore aux candides fraicheurs,
L'aile de la colombe, et
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