Pas si loin! pas si haut! redescendons. Restons
L'homme, restons Adam; mais non l'homme a tatons,
Mais non l'Adam tombe! Tout autre reve altere
L'espece d'ideal qui convient a la terre.
Contentons-nous du mot: meilleur! ecrit partout.
Oui, l'aube s'est levee.
Oh! ce fut tout a coup
Comme une eruption de folie et de joie,
Quand, apres six mille ans dans la fatale voie,
Defaite brusquement par l'invisible main,
La pesanteur, liee au pied du genre humain,
Se brisa; cette chaine etait toutes les chaines!
Tout s'envola dans l'homme, et les fureurs, les haines,
Les chimeres, la force evanouie enfin,
L'ignorance et l'erreur, la misere et la faim,
Le droit divin des rois, les faux dieux juifs ou guebres,
Le mensonge, le dol, les brumes, les tenebres,
Tomberent dans la poudre avec l'antique sort,
Comme le vetement du bagne dont on sort.
Et c'est ainsi que l'ere annoncee est venue,
Cette ere qu'a travers les temps, epaisse nue,
Thales apercevait au loin devant ses yeux;
Et Platon, lorsque, emu, des spheres dans les cieux
Il ecoutait les chants et contemplait les danses.
Les etres inconnus et bons, les providences
Presentes dans l'azur ou l'oeil ne les voit pas,
Les anges qui de l'homme observent tous les pas,
Leur tache sainte etant de diriger les ames
Et d'attiser, avec toutes les belles flammes,
La conscience au fond des cerveaux tenebreux,
Ces amis des vivants, toujours penches sur eux,
Ont cesse de fremir et d'etre, en la tourmente
Et dans les sombres nuits, la voix qui se lamente.
Voici qu'on voit bleuir l'ideale Sion.
Ils n'ont plus d'oeil fixe sur l'apparition
Du vainqueur, du soldat, du fauve chasseur d'hommes.
Les vagues flamboiements epars sur les Sodomes,
Precurseurs du grand feu devorant, les lueurs
Que jette le sourcil tragique des tueurs,
Les guerres, s'arrachant avec leur griffe immonde
Les frontieres, haillon difforme du vieux monde,
Les battements de coeur des meres aux abois,
L'embuscade ou le vol guettant au fond des bois,
Le cri de la chouette et de la sentinelle,
Les fleaux, ne sont plus leur alarme eternelle.
Le deuil n'est plus mele dans tout ce qu'on entend;
Leur oreille n'est plus tendue a chaque instant
Vers le gemissement indigne de la tombe;
La moisson rit aux champs ou ralait l'hecatombe;
L'azur ne les voit plus pleurer les nouveau-nes,
Dans tous les inno
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