qu'a quelle distance ira-t-il du destin?
L'apre Fatalite se perd dans le lointain;
Toute l'antique histoire affreuse et deformee
Sur l'horizon nouveau fuit comme une fumee.
Les temps sont venus. L'homme a pris possession
De l'air, comme du flot le grebe et l'alcyon.
Devant nos reves fiers, devant nos utopies
Ayant des yeux croyants et des ailes impies,
Devant tous nos efforts pensifs et haletants,
L'obscurite sans fond fermait ses deux battants;
Le vrai champ enfin s'offre aux puissantes algebres;
L'homme vainqueur, tirant le verrou des tenebres,
Dedaigne l'ocean, le vieil infini mort.
La porte noire cede et s'entre-baille. Il sort!
O profondeurs! faut-il encor l'appeler l'homme?
L'homme est d'abord monte sur la bete de somme;
Puis sur le chariot que portent des essieux;
Puis sur la frele barque au mat ambitieux;
Puis quand il a fallu vaincre l'ecueil, la lame,
L'onde et l'ouragan, l'homme est monte sur la flamme;
A present l'immortel aspire a l'eternel;
Il montait sur la mer, il monte sur le ciel.
L'homme force le sphinx a lui tenir la lampe.
Jeune, il jette le sac du vieil Adam, qui rampe,
Et part, et risque aux cieux, qu'eclaire son flambeau,
Un pas semblable a ceux qu'on fait dans le tombeau;
Et peut-etre voici qu'enfin la traversee
Effrayante, d'un astre a l'autre, est commencee!
Stupeur! se pourrait-il que l'homme s'elancat?
O nuit! se pourrait-il que l'homme, ancien forcat,
Que l'esprit humain, vieux reptile,
Devint ange et, brisant le carcan qui le mord,
Fut soudain de plain-pied avec les cieux? La mort
Va donc devenir inutile!
Oh! franchir l'ether! songe epouvantable et beau!
Doubler le promontoire enorme du tombeau!
Qui sait?--toute aile est magnanime,
L'homme est aile,--peut-etre, o merveilleux retour!
Un Christophe Colomb de l'ombre, quelque jour,
Un Gama du cap de l'abime,
Un Jason de l'azur, depuis longtemps parti,
De la terre oublie, par le ciel englouti,
Tout a coup sur l'humaine rive
Reparaitra, monte sur cet alerion,
Et, montrant Sirius, Allioth, Orion,
Tout pale, dira: J'en arrive!
Ciel! ainsi, comme on voit aux voutes des celliers
Les noirceurs qu'en rodant tracent les chandeliers,
On pourrait, sous les bleus pilastres,
Deviner qu'un enfant de la terre a passe,
A ce que le flambeau de l'homme aurait laisse
De fumee au plafond des astres!
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