la tourmente, vole en eclats; le ballon, qui
n'a plus de point d'attache suffisant, va etre enleve. Duruof et les
marins se jettent sur la corde de soupape et degonflent la _Ville de
Langres_.
C'est ce jour-la meme que nous arrivons a Orleans, mon frere et moi, avec
le ballon le _Jean-Bart_. L'accident qu'on nous raconte ne decourage
personne, nous sommes tous decides a recommencer ces tentatives avec le
meme enthousiasme, la meme ardeur.
Deux jours apres, le ballon la _Ville de Langres_, remis en etat, etait
gonfle et transporte a quatre kilometres d'Orleans, sur la pelouse du
chateau du Colombier, devenu, comme nous le verrons plus tard, le quartier
central des aerostiers militaires. On devait rester la en attendant les
ordres du general en chef de l'armee de la Loire.
_Lundi 21 novembre_.--On se met en mesure de ventiler et de vernir le
_Jean-Bart_. Pendant que mon frere commence cette besogne avec les marins
Jossec et Guillaume, je cours la ville pour m'assurer du gaz propre au
gonflement et faire l'acquisition des cordes necessaires aux ascensions
captives.
Ca et la, en chemin, je cause et je fais une moisson d'anecdotes sur
l'invasion prussienne des premiers jours de novembre. C'est un brave
cordier du faubourg Banier, qui, le premier, me raconte ses emotions. Il a
la physionomie d'un bon vieillard, d'un honnete commercant; je n'oublierai
jamais l'emotion, l'indignation de son recit.
--"Oh! monsieur, quels gueux, quels miserables que ces soldats barbares!
Ils etaient dix-sept dans mon magasin, couchant les uns sur les autres,
sales comme des pourceaux. A l'heure des repas, il fallait les regorger
de vivres, et ma pauvre femme etait obligee de remplir de cafe toute une
enorme soupiere, ou s'entassait ma provision de sucre. S'ils n'etaient pas
servis en toute hate, ces soldats me menacaient; l'un d'eux, monsieur, osa
lever la main sur moi. Le rouge de la honte et de l'indignation me monta
au visage. Mais que faire contre la force brutale? Ce sont toutefois de
ces injures que l'on n'oublie pas. Je dois dire, cependant, que quand on
menacait les Prussiens de leurs chefs, ils se tenaient tranquilles.
Une simple reclamation faite a un sergent les faisait trembler. Et les
requisitions, monsieur! quelle ruine pour notre malheureuse ville! Les
Prussiens sont venus me prendre toutes mes cordes et ils me donnaient en
raillant un bon a payer pour la mairie.
Un jour, ils denichent une provision de cordes qu'ils ve
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