sier. Il se demande si on ne s'est pas moque de lui. Mais il
ne sait pas qu'il faut voir un ballon gonfle. Je ne puis m'empecher
de comparer le gaz d'un aerostat a la parole de certains avocats; que
reste-t-il, quand le gaz est sorti?
Nous sommes assez penauds pour notre part, et c'est l'oreille basse que
nous nous decidons a envoyer un telegramme a Tours ou l'on attend de nos
nouvelles. Nous revenons a pied a Orleans.
Apres quatre heures de marche, nous entrons en ville; la reponse a notre
missive est deja venue. Sachons rendre justice a l'intelligence du
directeur des telegraphes qui s'occupe du service des ballons captifs, au
lieu de bouder, de se plaindre et de nous decourager comme l'auraient fait
tant d'autres, il nous felicite chaleureusement de nos efforts, et nous
excite a recommencer. "Je vous envoie six ballons, nous dit-il, crevez-en
autant que vous voudrez, mais reussissez." Voila de bonnes paroles
qui nous reconfortent, c'est ainsi qu'on fait marcher des hommes
d'action.--Malgre notre premier echec, on ne nous congedie pas avec
l'epithete de traitres.--Nous sommes decidement plus heureux que nos
generaux.
Du reste, ce n'est pas la perseverance qui nous manquera, mon frere et
moi, nous avons le defaut ou la qualite d'etre tetus comme mulets, quand
nous avons un projet en tete. Le lendemain nous reparons de bon coeur un
autre ballon, la _Republique universelle_, venu de Paris le 14 octobre.
Nous allons le gonfler au premier signal, et nous pensons bien qu'il n'y
aura pas de tempete tous les jours aux environs d'Orleans. Pour plus de
precautions, nous preparerons meme aussi un second aerostat, voulant avoir
deux cordes a notre arc. Je n'oublie pas d'ailleurs un conseil de mon
ami Gustave Lambert qui a appris a connaitre la vie: "Pour reussir, me
disait-il un jour, il y a un mot qu'il est indispensable de bannir de la
langue francaise, c'est le mot decouragement." Quelque modeste que soit
notre sphere d'action, prenons le parti de le rayer de notre dictionnaire.
Un telegramme envoye de Tours nous apprend que le mouvement de nos troupes
est retarde de deux ou trois jours, et que nous avons le temps de prendre
nos dis-positions avant l'attaque. Cette nouvelle vient a point, car
l'usine d'Orleans ne pourra nous fournir 2,000 metres cubes de gaz avant
le 3 decembre.
En attendant le jour du gonflement, nous faisons une visite au camp
francais accompagnes de quelques amis. Nous sommes recus d'abord par les
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