ies de canons ont ete prises
par l'ennemi. Mon Dieu! mon Dieu! quelle confusion, quel desordre!
A la gare, nous voyons revenir des convois charges de blesses, voila ce
qui ne manque plus aux spectacles que nous sommes appeles a voir. Dans
l'ambulance un jeune soldat a la machoire inferieure enlevee, sa bouche
est devenue beante, son oeil hagard est effrayant. Je detourne la tete.
C'est horrible a voir. Une soeur de charite panse cette plaie.
Quel tableau pour un grand artiste! Au lieu de nous representer la guerre
par des bataillons qui prennent une redoute au milieu d'une fumee de
poudre et de gloire, qu'il retrace cette scene navrante, et que, dans le
lointain, il nous montre une mere qui pleure. Ce sera la la veritable
image de la guerre.
Et nos ballons? Nous n'y songeons deja plus! Pourquoi nous envoyer ici, il
est trop tard, il n'y a plus rien a faire.
Voila un train special qui accourt sur la voie ferree. C'est M. Gambetta
qui arrive. Il descend precipitamment, avec M. Spuller, son chef de
cabinet. Il demande le chef de gare qui n'a pas ete prevenu de l'arrivee
du ministre, et qui, au milieu d'un travail incessant, a pris quelques
minutes de repos.
M. Gambetta s'agite et tempete contre le chef de gare qui ne vient pas.
Il se promene impatiemment, puis s'arrete en frappant du pied. Il est
furieux.
Le chef de gare arrive enfin, c'est un vieillard modeste et respectable.
M. Gambetta le malmene, et lui dit les choses les plus dures, les plus
humiliantes, devant un public nombreux qui n'approuve nullement du reste
cette maniere d'agir si peu courtoise.
--Pauvre chef de gare, disait un spectateur, un si excellent homme, si
devoue, si laborieux, c'est bien triste.
--Ce qui est bien plus triste, repondit quelqu'un, c'est de voir M.
Gambetta, un ministre, un souverain, humilier injustement un vieillard,
sans savoir seulement s'il est coupable.
Je me rappelais a ce moment ce qu'un homme d'un grand merite m'avait dit
sur notre dictateur: "Il a deux defauts dont il ne guerira jamais, il est
avocat et meridional."
M. Gambetta part comme il est venu, et les choses ne vont pas mieux. Le
chef de gare recoit dans la soiree l'ordre d'evacuer son materiel de
guerre. Il nous conseille de partir. Nous voulons attendre, persuades
qu'un telegramme va etre envoye, qu'on n'a pu expedier ici les aerostiers
et leur materiel sans but, sans motif. Nous attendons jusqu'au lendemain
matin, passant la nuit dans la gare, ass
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