ns, qu'il y
a encore des vivres pour longtemps, que la physionomie de la ville n'est
guere changee, que des boutiques du jour de l'an se sont etablies sur le
boulevard, etc.
Nous craignons bien qu'il n'obeisse a un mot d'ordre en donnant partout
d'aussi merveilleuses nouvelles.
Nous nous separons a onze heures, nous souhaitant une bonne fin d'annee.
Adieu 1870, annee funeste, 1871 te ressemblera-t-il par ses desastres?
Est-il permis d'esperer des beaux jours!
_Dimanche 1er janvier 1871_.--Nous dejeunons avec nos collegues
Bertaux, Poirrier, et un capitaine de mobiles, avec qui nous avons fait
connaissance. La tristesse preside au repas. Depuis notre plus grande
enfance, c'est le premier _jour de l'an_ qui se passe si loin des notres.
Nos marins viennent nous souhaiter la bonne annee. Braves gens, ils se
sont attaches a nous et nous aiment deja. Mais nous leur rendons bien leur
affection, leur sympathie.
J'ecris une longue lettre a mon frere aine, par un nouveau procede
mysterieux auquel je ne crois guere. Il faut adresser la lettre a Paris
_par Moulins_ (_Allier_) et l'affranchir avec quatre-vingts centimes de
timbres-poste.
_Lundi_ 2.--Le Mans est triste. L'armee est cantonnee a Change et a
Pontlieue. L'ordre est retabli. Pas un soldat, pas un officier dans les
rues. Aucune nouvelle. Rien que le silence du cimetiere!
Nous recevons une lettre de Paris. Notre frere aine nous raconte ses
campagnes dans les bataillons de marche. Il est campe hors Paris et mene
une bien dure existence. Mais il est confiant et resolu.
3 _janvier_.--Nous mettons en ordre notre materiel aerostatique, pour etre
prets a gonfler au premier signal.
A la table d'hote de l'_hotel de France_, ou nous logeons, nous dinons en
face d'officiers prussiens prisonniers sur parole. Ils parlent haut, et
rient bruyamment; leur conduite pleine d'inconvenance nous indigne, mais
nous sommes trente a table, et il n'y aurait pas grande gloire a faire
cesser leur insolence. Notre capitaine tresorier Bertaux est malade. Il
est poitrinaire, le pauvre garcon, et la chute qu'il a faite a la descente
en ballon lors de sa sortie de Paris, a aggrave son mal.--Nous lui tenons
compagnie dans sa chambre[7].
[Note 7: A son retour a Paris apres l'armistice, M. Bertaux est mort,
suffoque dans la nuit par une congestion. Il avait trente ans a peine.]
Grands mouvements de troupes autour du Mans. Arrivee d'une quantite enorme
de voitures d'approvisionnements
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