s creance a ces bruits de mauvais augure. Il n'est pas
douteux qu'une grande bataille va s'engager.
VI
La bataille du Mans.--Poste d'observation des ballons captifs.--Le champ
de bataille.--La deroute.--Laval.--Rennes.
Du 11 janvier au 18 fevrier 1871.
Dans la matinee du 11, on entendait autour du Mans le bruit d'une violente
canonnade. Tout le monde est surexcite par ce concert lugubre; la grande
partie est en jeu. Je vole au quartier general, pour recevoir des ordres.
Le moment n'est-il pas venu de gonfler un ballon, et de surveiller du haut
des airs les mouvements de l'ennemi?
Mais je crois comprendre, d'apres ce qui m'est dit, que l'attaque des
Prussiens a eu lieu a l'improviste; le general Chanzy, quoique malade, est
a cheval au milieu du combat. Un de ses officiers m'affirme qu'il a pense
aux ballons, et que l'ordre du gonflement va nous arriver d'un moment a
l'autre, on me conseille toutefois de m'approcher du champ de bataille
pour choisir un bon poste aerostatique, j'ai le _laissez-passer_ qui me
permettra de m'avancer jusqu'aupres des batteries.
Le combat a lieu tout pres du Mans, au pied des collines que domine
Yvre-l'Eveque. Je pars a pied, et au sortir de la ville j'apercois deja
des gendarmes postes de distance en distance pour arreter les fuyards qui
sont rares aujourd'hui. La canonnade est d'une violence formidable. On
entend le bruit des mitrailleuses, de pieces de campagne que domine la
puissante voix des pieces de marine installees sur les hauteurs. Je
suis la route d'Yvre-l'Eveque, et sur mon chemin je traverse des parcs
d'artillerie. C'est la reserve qui ne donne pas encore.
La campagne est couverte de neige, le froid est intense, le ciel est d'une
purete absolue, j'arrive a 3 kilometres du Mans, sur le sommet d'une
colline, ou se trouve un groupe de spectateurs. En face de nous, a 600
metres environ, nous decouvrons le feu d'une batterie qui tonne de
seconde en seconde. Je me risque a m'avancer jusqu'aupres des canons. Les
artilleurs me disent que pas un obus n'est encore tombe la, et que je puis
rester aupres d'eux sans danger.
Le champ de bataille tout entier s'offre a ma vue. Sur une etendue de
plusieurs lieues, les canons francais sont places sur les hauteurs,
ils vomissent la mitraille, et lancent dans l'espace des eclairs qui
illuminent au loin le ciel. En face de nous est le bois d'Yvre-l'Eveque,
ou nos troupes sont en partie massees. A trois heures des colonnes
prussien
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