tait pas.
Ce bruit inquieta la dame; elle crut etre suivie ou poursuivie, ce
qui etait vrai, et elle se retourna.
D'Artagnan sauta comme s'il eut recu dans les mollets une charge
de plomb a moineaux; puis, faisant un crochet pour revenir sur ses
pas:
-- Mme de Chevreuse! murmura-t-il.
D'Artagnan ne voulut pas rentrer sans tout savoir.
Il demanda au pere Celestin de s'informer pres du fossoyeur quel
etait le mort qu'on avait enseveli le matin meme.
-- Un pauvre mendiant franciscain, repliqua celui-ci, qui n'avait
meme pas un chien pour l'aimer en ce monde et l'escorter a sa
derniere demeure.
"S'il en etait ainsi, pensa d'Artagnan, Aramis n'eut pas assiste a
son convoi. Ce n'est pas un chien, pour le devouement, que
M. l'eveque de Vannes; pour le flair, je ne dis pas!"
Chapitre CXLVI -- Comment Porthos, Truechen et Planchet se
quitterent amis, grace a d'Artagnan
On fit grosse chere dans la maison de Planchet.
Porthos brisa une echelle et deux cerisiers, depouilla les
framboisiers, mais ne put arriver jusqu'aux fraises, a cause,
disait-il, de son ceinturon.
Truechen, qui s'etait deja apprivoisee avec le geant, lui repondit:
-- Ce n'est pas le ceinturon, c'est le fendre.
Et Porthos, ravi de joie, embrassa Truechen, qui lui cueillait
plein sa main de fraises et lui fit manger dans sa main.
D'Artagnan, qui arriva sur ces entrefaites, gourmanda Porthos sur
sa paresse et plaignit tout bas Planchet.
Porthos dejeuna bien; quant il eut fini:
-- Je me plairais ici, dit-il en regardant Truechen.
Truechen sourit.
Planchet en fit autant, non sans un peu de gene.
Alors d'Artagnan dit a Porthos:
-- Il ne faut pas, mon ami, que les delices de Capoue vous fassent
oublier le but reel de notre voyage a Fontainebleau.
-- Ma presentation au roi?
-- Precisement, je veux aller faire un tour en ville pour preparer
cela. Ne sortez pas d'ici, je vous prie.
-- Oh! non, s'ecria Porthos.
Planchet regarda d'Artagnan avec crainte.
-- Est-ce que vous serez absent longtemps? dit-il.
-- Non, mon ami, et, des ce soir, je te debarrasse de deux hotes
un peu lourds pour toi.
-- Oh! monsieur d'Artagnan, pouvez-vous dire?
-- Non; vois-tu, ton coeur est excellent, mais ta maison est
petite. Tel n'a que deux arpents, qui peut loger un roi et le
rendre tres heureux; mais tu n'es pas ne grand seigneur, toi.
-- M. Porthos non plus, murmura Planchet.
-- Il l'est devenu, mon cher; il est suzerain
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