velle.
-- Oui.
-- A qui il manque trois dents.
-- Quatre.
-- Tandis que moi, regardez!
Et Porthos, ecartant ses grosses levres, exhiba deux rangees de
dents un peu moins blanches que la neige, mais aussi nettes, aussi
dures et aussi saines que l'ivoire.
-- Vous ne vous figurez pas, Porthos, dit d'Artagnan, combien le
roi tient aux dents. Les votres me decident; je vous presenterai
au roi.
-- Vous?
-- Pourquoi pas? Croyez-vous que je sois plus mal en cour
qu'Aramis?
-- Oh! non.
-- Croyez-vous que j'aie la moindre pretention sur les
fortifications de Belle-Ile?
-- Oh! certes non.
-- C'est donc votre interet seul qui peut me faire agir.
-- Je n'en doute pas.
-- Eh bien! je suis intime ami du roi, et la preuve, c'est que,
lorsqu'il y a quelque chose de desagreable a lui dire, c'est moi
qui m'en charge.
-- Mais, cher ami, si vous me presentez...
-- Apres?
-- Aramis se fachera.
-- Contre moi?
-- Non, contre moi.
-- Bah! que ce soit lui ou que ce soit moi qui vous presente,
puisque vous deviez etre presente, c'est la meme chose.
-- On devait me faire faire des habits.
-- Les votres sont splendides.
-- Oh! ceux que j'avais commandes etaient bien plus beaux.
-- Prenez garde, le roi aime la simplicite.
-- Alors je serai simple. Mais que dira M. Fouquet de me savoir
parti?
-- Etes-vous donc prisonnier sur parole?
-- Non, pas tout a fait. Mais je lui avais promis de ne pas
m'eloigner sans le prevenir.
-- Attendez, nous allons revenir a cela. Avez-vous quelque chose a
faire ici?
-- Moi? Rien de bien important, du moins.
-- A moins cependant que vous ne soyez l'intermediaire d'Aramis
pour quelque chose de grave.
-- Ma foi, non.
-- Ce que je vous en dis, vous comprenez, c'est par interet pour
vous. Je suppose, par exemple, que vous etes charge d'envoyer a
Aramis des messages, des lettres.
-- Ah! des lettres, oui. Je lui envoie de certaines lettres.
-- Ou cela?
-- A Fontainebleau.
-- Et avez-vous de ces lettres?
-- Mais...
-- Laissez-moi dire. Et avez-vous de ces lettres?
-- Je viens justement d'en recevoir une.
-- Interessante?
-- Je le suppose.
-- Vous ne les lisez donc pas?
-- Je ne suis pas curieux.
Et Porthos tira de sa poche la lettre du soldat que Porthos
n'avait pas lue, mais que d'Artagnan avait lue, lui.
-- Savez-vous ce qu'il faut faire? dit d'Artagnan.
-- Parbleu! ce que je fais toujours, l'envoyer.
-- Non
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