dans toute la maison pour lui faire des
reproches, pour lui demander s'il n'avait pas un autre cheval et une
autre voiture; le marquis fut introuvable. Le garcon d'ecurie se lamenta
d'un air desesperant sur ce facheux contre-temps. Enfin il fallut
prendre un parti; le jour baissait de plus en plus, il fallut partir
a pied et entreprendre, a l'entree de la nuit, une promenade de trois
lieues, par des chemins assez rudes et avec des bonnets et des fichus en
marmelade. Les grisettes pleuraient, et Henriette en fureur faisait de
durs reproches a Joseph sur son insouciance. Celui-ci se resignait de
bonne grace a lui offrir son bras jusqu'a la ville; elle le refusa
d'abord avec depit, et l'accepta ensuite par lassitude. Elles s'en
allerent ainsi clopin-clopant, se heurtant les pieds contre les cailloux
et detestant dans leur ame l'abominable marquis, auteur de leur
desastre, tandis que celui-ci, enferme dans sa chambre et plonge dans le
duvet, fredonnait en s'endormant un vieil air, a la mode peut-etre dans
sa jeunesse: _Allez-vous-en, gens de la noce,_ etc.
VII.
De leur cote, Andre et Genevieve et mesdemoiselles Marteau continuaient
paisiblement leur route sans entendre les cris de detresse dont Joseph,
a tout hasard, faisait retentir la plaine. Enfin une des petites filles
ayant laisse tomber son sac, Andre arreta le cheval et descendit pour
chercher dans l'obscurite l'objet perdu. Pendant ce temps il lui sembla
entendre mugir au loin une voix de stentor qui prononcait son nom. Il
consulta ses compagnons, et Genevieve decida qu'il fallait retourner en
arriere, parce qu'un accident etait probablement arrive aux voyageurs du
char a bancs. Andre obeit, et, au bout de dix minutes, il rencontra les
tristes pietons qui gagnaient le haut de la colline. Henriette voulut
raconter la malheureuse aventure; mais, suffoquee par sa colere, elle
s'arreta pour respirer, et Joseph, profitant de l'occasion, se mit
a raconter a sa maniere. Il declara que c'etait un plaisant tour du
marquis, et que ces demoiselles l'avaient bien merite pour la maniere
dont elles s'etaient comportees dans le verger.
--C'est une infamie! s'ecria Henriette; votre marquis est un vieil avare,
un sournois et un ivrogne.
--Allons, allons, interrompit Joseph impatiente, vous oubliez que vous
parlez devant son fils et qu'il est trop poli pour vous donner un
dementi; mais, si vous etiez un homme, jarni Dieu!...
--Et c'est parce que M. Andre ne peut pas imp
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