cette espece de bravade, et
resolut d'y mettre fin sur-le-champ. Un matin donc, au moment ou Andre
franchissait, joyeux et leger, le seuil de sa maison pour aller trouver
Genevieve, une main vigoureuse saisit la bride de son petit cheval et le
fit meme reculer. Comme il faisait a peine jour, Andre ne reconnut pas
son pere au premier coup d'oeil, et, pour la premiere fois de sa vie, il
se mit a jurer contre l'insolent qui l'arretait.
--Doucement, monsieur, repondit le marquis, vous me semblez bien mal
appris pour un bel esprit comme vous etes. Faites-moi le plaisir de
descendre de cheval et d'oter votre chapeau devant votre pere.
Andre obeit; et quand il eut mis pied a terre, le marquis lui ordonna de
renvoyer son cheval a l'ecurie.
--Faut-il le debrider? demanda le palefrenier.
--Non, dit Andre, qui esperait etre libre au bout d'un instant.
--Il faut lui oter la selle! cria le marquis d'un ton qui ne souffrait
pas de replique.
Andre se sentit gagne par le froid de la peur; il suivit son pere
jusqu'a sa chambre.
--Ou alliez-vous? lui dit celui-ci en s'asseyant lourdement sur son grand
fauteuil de toile d'Orange.
--A L..., repondit Andre timidement.
--Chez qui?
--Chez Joseph, repondit Andre apres un peu d'hesitation.
--Ou allez-vous tous les matins?
--Chez Joseph.
--Ou passez-vous toutes les apres-midi?
--A la chasse.
--D'ou venez-vous si tard tous les soirs? de chez Joseph et de la
chasse, n'est-ce pas?
--Oui, mon pere.
--Avec votre permission, monsieur le savant, vous en avez menti. Vous
n'allez ni chez Joseph ni a la chasse. Auriez-vous en votre possession
quelque beau livre ecrit sur l'art de mentir! Faites-moi le plaisir
d'aller l'etudier dans votre chambre, afin de vous en acquitter un peu
mieux a l'avenir. M'entendez-vous?
Andre, revolte de se voir traite comme un enfant, hesita, rougit, palit
et obeit. Son pere le suivit, l'enferma a double tour, mit la clef dans
sa poche et s'en fut a la chasse.
Andre, furieux et desole, maudit mille fois son sort et finit par sauter
par la fenetre. Il s'en alla passer une heure aux pieds de Genevieve.
Mais, dans la crainte de l'effrayer de la durete de son pere, il lui
cacha son aventure, et lui donna, pour raison de sa courte visite, une
pretendue indisposition du marquis.
Le marquis fit bonne chasse, oublia son prisonnier, et rentra assez tard
pour lui laisser le temps de rentrer le premier. Lorsqu'il le retrouva
sous les verrou
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