aimez-vous tant? comment ai-je pu le
meriter? qu'ai-je fait pour vous?
--Vous m'avez fait vivre, repondit Andre; ne m'en demandez pas
davantage. Mon coeur sait pourquoi il vous aime, mais ma bouche ne
saurait pas vous l'expliquer; et puis vous ne me comprendriez pas. Si
vous m'aimiez, vous ne demanderiez pas pourquoi je vous aime; vous le
sauriez comme moi, sans pouvoir le dire.
Genevieve garda encore un instant le silence; ensuite elle lui dit:
--Il faut que je sois franche. Je vous l'avoue: dans les premiers jours
vous etiez si emu en entrant ici, et vous paraissiez si afflige quand je
vous priais de cesser vos visites, que je me suis presque imagine une
ou deux fois que vous etiez _amoureux_; cela me faisait une espece de
chagrin et de peur. Les amours que je connais m'ont toujours paru si
malheureux et si coupables que je craignais d'inspirer une passion trop
frivole ou trop serieuse. J'ai voulu vous fuir et me defendre de vos
lecons; mais l'envie d'apprendre a ete plus forte que moi, et...
--Quel aveu cruel vous me faites, Genevieve! C'est a votre amour pour
l'etude que je dois le bonheur de vous avoir vue pendant ces deux
mois!... Et moi, je n'y etais donc pour rien?
--Laissez-moi achever, lui dit Genevieve en rougissant; comment
voulez-vous que je reponde a cela? je vous connaissais si peu... a
present c'est different. Je regretterais le maitre autant que la
lecon...
--Autant? pas davantage? Ah! vous n'aimez que la science, Genevieve;
vous avez une intelligence avide, un coeur bien calme...
--Mais non pas froid, lui dit-elle; je ne merite pas ce reproche-la. Que
vous disais-je donc?
--Que vous aviez presque devine mon amour dans les commencements; et
qu'ensuite...
--Ensuite je vous revis tout change: vous aviez l'air grave, vous
causiez tranquillement; et si vous vous attendrissiez, c'etait en
m'expliquant la grandeur de Dieu et la beaute de la terre. Alors je me
rassurai; j'attribuai vos anciennes manieres a la timidite ou a quelques
idees de roman qui s'etaient effacees a mesure que vous m'aviez mieux
connue.
--Et vous vous etes trompee, dit Andre: plus je vous ai vue, plus je
vous ai aimee. Si j'etais calme, c'est que j'etais heureux, c'est que
je vous voyais tous les jours et que tous les jours je comptais sur un
heureux lendemain, c'est que les seuls beaux moments de ma vie sont ceux
que j'ai passes ici et aux Pres-Girault. Ah! vous ne savez pas depuis
combien de temps je vous aime, et
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