chouer les resolutions de Genevieve. Un matin elle se
laissa tenter par le lever du soleil et par le chant des alouettes,
et alla chercher des iris dans les Pres-Girault; elle ne savait pas
qu'Andre l'y avait vue un certain jour qui avait marque dans sa vie
comme une solennite et qui avait decide de tout son avenir. Elle se
flattait d'avoir trouve la un refuge contre tous les regards, un asile
contre toutes les poursuites. Elle y arriva joyeuse et s'assit au bord
de l'eau en chantant. Mais aussitot des pas firent crier le sable
derriere elle. Elle se retourna et vit Andre.
Un cri lui echappa, un cri imprudent qui l'eut perdue si Andre eut ete
un homme plus habile. Mais le bon et credule enfant n'y vit rien que
de desobligeant, et lui dit d'un air abattu: "Ne craignez rien,
mademoiselle; si ma presence vous importune, je me retire. Croyez que
le hasard seul m'a conduit ici; je n'avais pas l'espoir de vous y
rencontrer, et je n'aurai pas l'audace de deranger votre promenade."
La paleur d'Andre, son air triste et doux, son regard plein de reproche
et pourtant de resignation, produisirent un effet magnetique sur
Genevieve, "Non, monsieur, lui dit-elle, vous ne me derangez pas, et je
suis bien aise de trouver l'occasion de vous remercier de vos cahiers...
Ils m'interessent beaucoup, et tous les jours..." Genevieve se troubla
et ne put achever, car elle mentait et s'en faisait un grave reproche.
Andre, un peu rassure, lui fit quelques questions sur ses lectures.
Elle les eluda en lui demandant le nom d'une jolie fleurette bleue qui
croissait comme un tapis etendu sur l'eau. "C'est, repondit Andre, le
becabunga, qu'il faut se garder de confondre avec le cresson, quoiqu'il
croisse pele-mele avec lui." En parlant ainsi, il se mit dans l'eau
jusqu'a mi-jambes pour cueillir la fleur que Genevieve avait regardee;
il s'y fut mis jusqu'au cou si elle avait eu envie de la feuille seche
qu'emportait le courant un peu plus loin. Il parlait si bien sur la
botanique qu'elle ne put y resister. Au bout d'un quart d'heure ils
etaient assis tous deux sur le gazon. Andre jonchait le tablier de
Genevieve de fleurs effeuillees dont il lui demontrait l'organisation.
Elle l'ecoutait en fixant sur lui ses grands yeux attentifs et
melancoliques. Andre etait parfois comme fascine et perdait tout a fait
le fil de son discours. Alors il se sauvait par une digression sur
quelque autre partie des sciences naturelles, et Genevieve, toujours
avide de s'
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