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pour Alexandrie.
Le 5 fructidor (22 aout), emmenant avec lui Berthier, Lannes, Murat,
Andreossy, Marmont, Bertholet et Monge, il se rendit, escorte de
quelques-uns de ses guides, sur une plage ecartee. Quelques canots
etaient prepares; ils s'embarquerent, et monterent sur les deux fregates
_le Muiron_ et _la Carrere_. Elles etaient suivies des chebecks _la
Revanche_ et _la Fortune_. A l'instant meme on mit a la voile, pour
n'etre plus au jour en vue des croiseurs anglais. Malheureusement
un calme survint; on trembla d'etre surpris, on voulait rentrer a
Alexandrie; Bonaparte ne le voulut pas. "Soyez tranquilles, dit-il, nous
passerons." Comme Cesar, il comptait sur la fortune.
Ce n'etait pas, comme on l'a dit, une lache desertion; car il laissait
une armee victorieuse, pour aller braver des dangers de tout genre,
et, le plus horrible de tous, celui d'aller porter des fers a Londres.
C'etait une de ces temerites par lesquelles les grands ambitieux tentent
le ciel, et auxquelles ils doivent ensuite cette confiance immense qui
tour a tour les eleve et les precipite.
Tandis que cette grande destinee etait commise au hasard des vents ou
d'une rencontre, la victoire revenait sous nos drapeaux en Europe, et
la republique sortait, par un sublime effort, des perils auxquels nous
venons de la voir exposee. Massena etait toujours sur la ligne de la
Limmat, differant le moment de reprendre l'offensive. L'armee d'Italie,
apres avoir perdu la bataille de Novi, s'etait dispersee dans l'Apennin.
Heureusement Suwarow ne profitait pas mieux de la victoire de Novi que
de celle de la Trebbia, et perdait dans le Piemont un temps que la
France employait en preparatifs. Dans ce moment, le conseil aulique,
aussi peu constant dans ses plans que l'avait ete le directoire, en
imagina un qui ne pouvait manquer de changer la face des evenemens. Il
etait jaloux de l'autorite que Suwarow avait voulu exercer en Italie, et
avait vu avec peine que ce general eut ecrit au roi de Sardaigne pour
le rappeler dans ses etats. Le conseil aulique avait des vues sur le
Piemont, et tenait a en ecarter le vieux marechal. De plus, il regnait
peu d'accord entre les Russes et les Autrichiens; et ces raisons reunies
deciderent le conseil aulique a changer entierement la distribution
des troupes sur la ligne d'operation. Les Russes etaient meles aux
Autrichiens sur les deux theatres de la guerre. Korsakoff operait en
Suisse avec l'archiduc Charles, et Suwarow a
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