assez
rassurante. Apres toutes les pertes qu'elle avait faites, elle comptait
vingt-cinq mille hommes environ, mais les plus braves et les mieux
commandes de l'univers. Chaque jour devait la faire mieux sympathiser
avec les habitans, et consolider son etablissement. Bonaparte y etait
depuis un an: arrive en ete avant l'inondation, il avait employe les
premiers momens a s'emparer d'Alexandrie et de la capitale, ce qu'il
avait obtenu par la bataille des Pyramides. Apres l'inondation, et en
automne, il avait acheve la conquete du Delta, et confie a Desaix la
conquete de la Haute-Egypte. En hiver, il avait tente l'expedition de
Syrie, et detruit l'armee turque de Djezzar au mont Thabor. Il venait,
en ete, de detruire la seconde armee de la Porte a Aboukir. Le temps
avait donc ete aussi bien employe que possible; et tandis que la
victoire abandonnait en Europe les drapeaux de la France, elle leur
restait fidele en Afrique et en Asie. Les trois couleurs flottaient
triomphantes sur le Nil et le Jourdain, sur les lieux memes d'ou est
partie la religion du Christ.
Bonaparte ignorait encore ce qui se passait en France, aucune des
depeches du directoire ni de ses freres ne lui etant arrivee: il etait
devore d'inquietude. Pour tacher d'obtenir quelques nouvelles, il
faisait croiser des bricks avec ordre d'arreter les vaisseaux de
commerce, et de s'instruire par eux des evenemens qui se passaient en
Europe. Il envoya a la flotte turque un parlementaire qui, sous le
pretexte de negocier un echange de prisonniers, devait tacher d'obtenir
quelques nouvelles. Sidney-Smith arreta ce parlementaire, l'accueillit
fort bien, et voyant que Bonaparte ignorait les desastres de la France,
se fit un malin plaisir de lui donner un paquet de tous les journaux. Le
parlementaire revint, et remit le paquet a Bonaparte. Celui-ci passa une
nuit entiere a devorer ces feuilles, et a s'instruire de tout ce qui
se passait dans sa patrie. Sur-le-champ sa determination fut prise:
il resolut de s'embarquer secretement pour l'Europe, et d'essayer la
traversee, au risque d'etre saisi en route par les flottes anglaises.
Il demanda le contre-amiral Gantheaume, et lui enjoignit de mettre les
fregates _le Muiron_ et _la Carrere_ en etat de faire voile. Il ne fit
part de son projet a personne, courut au Caire pour faire toutes ses
dispositions, redigea une longue instruction pour Kleber, auquel il
voulait laisser le commandement de l'armee, et repartit aussitot apr
|