n'avait pas ete averti a temps et l'on n'avait que
des cigares pour les officiers.
Vers trois heures du matin, samedi, le train arreta. Tout le monde fut
bientot sur pied et le nom harmonieux de Biscotasing sonna comme une
trompette aux oreilles a moitie ouvertes des volontaires affames par
le fameux repas de Mattawa. Si le nom fit une mauvaise impression sur
l'esprit deja prejuge des soldats, l'apparition de grands vaisseaux
remplis de pruneaux confits, de feves roties, etc., leur remit le moral
en ordre.
Apres un bon repas dont chacun se declara satisfait, l'on continua. La
journee parut longue. Quelques-uns passerent le temps a confesse ou
ailleurs, chacun suivant ses gouts. On arreta quelques minutes a
Nemagosenda, puis le train se remit en marche et arriva a Dalton a neuf
heures et demie le soir. L'on s'attendait a descendre des chars en cet
endroit, mais le chemin de fer avait ete continue avec beaucoup de
vitesse depuis deux jours et l'on se rendit jusqu'a Algoma, ou l'on
arriva vers les dix heures.
Ici, un spectacle des plus gais s'offre a nos yeux. Des feux de bois
d'epinette ont ete prepares d'avance et eclairent notre route jusqu'a
une certaine distance. Tous descendent des chars avec joie, car la
monotonie du voyage commencait a ennuyer les esprits des soldats.
Que de fois ne regretta-t-on pas plus tard les bons chars qui nous
avaient portes pendant deux jours et deux nuits a travers un pays
civilise!
En voyant les traineaux en attente les soldats poussent des cris de
joie, on veut changer de transport a tout prix et la nuit parait si
belle que tous ont hate de s'enfoncer dans les profondeurs mysterieuses
des bois que les feux de joie leur font apercevoir dans le lointain.
L'on part en chantant et bientot les echos de la foret, repetent les
gais refrains des chansons canadiennes.
La nouveaute des paysages et le violent contraste des grands bois
silencieux avec le va-et-vient et le vacarme des villes excitent
l'imagination des esprits les moins poetiques. Il etait curieux de voir
les charretiers s'enfoncer sans hesiter a travers ces arbres touffus,
dans des bois ou le chemin etait disparu, enfoui sous la neige, et ou
les moins braves voyaient surgir de temps a autres d'enormes tetes de
Sauvages indomptes.
Vers minuit le silence commence a regner parmi les promeneurs deja
fatigues de la marche et c'est avec une satisfaction prononcee qu'on
arrive a "l'hotel de la Foret" vers une heure du matin
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