ose que l'idee de la superiorite de l'etre
qu'on possede, et, cette idee detruite, il n'y a plus que l'amitie.
LE PRECEPTEUR.
L'amitie impose encore des devoirs austeres; elle est capable
d'heroisme, et vous ne pouvez abjurer dans le meme jour l'amour et
l'amitie!
GABRIEL.
Je respecte votre avis. Cependant vous m'accorderez le reste de la nuit
pour reflechir a ce que vous me demandez. Donnez-moi votre parole de ne
point informer Astolphe du lieu de ma retraite.
LE PRECEPTEUR.
J'y consens, si vous me donnez la votre de ne point quitter Rome sans
m'avoir revu. Je reviendrai demain matin.
GABRIEL.
Oui, mon ami, je vous le promets. L'heure est avancee, les rues sont mal
frequentees, permettez que Marc vous accompagne.
LE PRECEPTEUR.
Non, mon enfant, cette nuit de carnaval tient la moitie de la population
eveillee; il n'y a pas de danger. Marc a probablement fini par
s'endormir. N'eveillez pas ce bon vieillard. A demain! que Dieu vous
conseille!...
GABRIEL.
Que Dieu vous accompagne! A demain! (Le precepteur sort. Gabriel
l'accompagne jusqu'a la porte et revient. )
SCENE VIII
GABRIEL, _seul_.
Reflechir a quoi? A l'etendue de mon malheur, a l'impossibilite du
remede? A cette heure, Astolphe oublie tout dans une honteuse ivresse!
et moi, pourrais-je jamais oublier que son sein, le sanctuaire ou je
reposais ma tete, a ete profane par d'impures etreintes? Eh quoi!
desormais chacun de ses soupcons pourra ramener ce besoin de delires
abjects et l'autoriser a souiller ses levres aux levres des prostituees?
Et moi, il veut me souiller aussi! il veut me traiter comme elles! il
veut m'appeler devant un tribunal, devant une assemblee d'hommes; et la,
devant les juges, devant la foule, faire dechirer mon pourpoint par des
sbires, et, pour preuve de ses droits a la fortune et a la puissance,
devoiler a tous les regards ce sein de femme que lui seul a vu palpiter!
Oh! Astolphe, tu n'y songes pas sans doute; mais quand l'heure viendra,
emporte sur une pente fatale, tu ne voudras pas t'arreter pour si peu de
chose! Eh bien! moi, je dis: Jamais! Je me refuse a ce dernier outrage,
et, plutot que d'en subir l'affront, je dechirerai cette poitrine, je
mutilerai ce sein jusqu'a le rendre un objet d'horreur a ceux qui le
verront, et nul ne sourira a l'aspect de ma nudite... O mon Dieu!
protegez-moi! preservez-moi! j'echappe avec peine a la tentation du
suicide!...
_(Elle se jette a genoux et prie.)_
S
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