ne suis plus une courtisane; je suis riche, et je suis une femme
galante. N'est-ce pas ainsi que cela s'appelle? Je t'ai toujours aime,
viens enterrer le carnaval dans mon boudoir.
ASTOLPHE.
Etrange fille! tu te donneras donc pour rien une fois dans ta vie? _(Il
boit.)_
FAUSTINA.
Bien mieux, je me donnerai en payant, car je te dirai le secret
d'Antonio! Viens-tu? _(Elle se leve.)_
ASTOLPHE, _se levant_.
Si je le croyais, je serais capable de te presenter un bouquet et de
chanter une romance sous tes fenetres.
FAUSTINA.
Je ne te demande pas d'etre galant. Fais seulement comme si tu m'aimais.
Etre aimee, c'est un reve que j'ai fait quelquefois, helas!
ASTOLPHE.
Malheureuse creature! j'aurais pu t'aimer, moi! car j'etais un enfant,
et je ne savais pas ce que c'est qu'une femme comme toi... Tu mens quand
tu exprimes un pareil regret.
FAUSTINA.
Oh! Astolphe! je ne mens pas. Que toute ma vie me soit reprochee au jour
du jugement, excepte cet instant ou nous sommes et cette parole que je
te dis: Je t'aime!
ASTOLPHE.
Toi?... Et moi, comme un sot, je t'ecoute partage entre
l'attendrissement et le degout!
[Illustration: Appelez du secours.... ( Page 42.)]
FAUSTINA.
Astolphe, tu ne sais pas ce que c'est que la passion d'une courtisane.
Il est donne a peu d'hommes de le savoir, et pour le savoir il faut etre
pauvre. Je viens de jeter tes derniers ecus dans la rue. Tu ne peux te
mefier de moi, je pourrais gagner cette nuit cinq cents sequins.
Tiens, en voici la preuve. _(Elle tire un billet de sa poche et le lui
presente.)_
ASTOLPHE, _le lisant_.
Cette offre splendide est d'un cardinal tout au moins.
FAUSTINA.
Elle est de monsignor Gafrani.
ASTOLPHE.
Et tu l'as refusee?
FAUSTINA.
Oui, je t'ai vu passer dans la rue, et je t'ai fait dire de monter chez
moi. Ah! tu etais bien emu quand tu as su qu'une femme te demandait! Tu
croyais retrouver la dame de tes pensees; mais te voici du moins sur sa
trace, puisque je sais ou elle est.
ASTOLPHE.
Tu le sais! que sais-tu?
FAUSTINA.
N'arrive-t-elle pas de Calabre?
ASTOLPHE.
O furies!... qui te l'a dit?
FAUSTINA.
Antonio. Quand il est ivre, il aime a se vanter a moi de ses bonnes
fortunes.
ASTOLPHE.
Mais son nom! A-t-il ose prononcer son nom?
FAUSTINA.
Je ne sais pas son nom, tu vois que je suis sincere; mais si tu veux
je feindrai d'admirer ses succes, et je lui offrirai genereusement mon
boudoir pou
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