que mon corps soit insulte par les passants...
Attache-moi a une pierre... et jette-moi dans l'eau...
GIGLIO.
Non! tu vis encore, tu parles, tu peux en revenir. O mon Dieu! mon Dieu!
personne ne viendra-t-il a ton secours?
GABRIEL.
L'agonie est trop longue... Je souffre. Arrache-moi ce fer de la
poitrine. _(Giglio retire le poignard.)_ Merci, je me sens mieux... je
me sens... libre!... mon reve me revient. Il me semble que je m'envole
la-haut! tout en haut! _(Il expire.)_
GIGLIO.
Il ne respire plus! J'ai hate sa mort en voulant le soulager... Sa
blessure ne saigne pas... Ah! tout est dit!... C'etait sa volonte... Je
vais le jeter dans la riviere!... _(Il essaie de relever le cadavre de
Gabriel.)_ La force me manque, mes yeux se troublent, le pave s'enfuit
sous mes pieds!... Juste Dieu!... l'ange du chateau agite ses ailes et
sonne la trompette... C'est la voix du jugement dernier! Ah! voici les
morts, les morts qui viennent me chercher. _(Il tombe la face sur le
pave et se bouche les oreilles.)_
SCENE X.
ASTOLPHE, LE PRECEPTEUR, GABRIEL, _mort_, GIGLIO, _etendu a terre_.
ASTOLPHE, _en marchant_.
Eh bien! ce n'est pas vous qui aurez manque a votre promesse. Ce sera
moi qui aurai force votre volonte!
LE PRECEPTEUR, _s'arretant irresolu_.
Je suis trop faible... Gabriel ne voudra plus se fier a moi.
ASTOLPHE, _l'entrainant_.
Je veux la voir, la voir! embrasser ses pieds. Elle me pardonnera!
Conduisez-moi.
MARC, _venant a leur rencontre, une lanterne a la main, l'epee dans
l'autre_.
Monsieur l'abbe, est-ce vous?
LE PRECEPTEUR.
Ou cours-tu, Marc? ta figure est bouleversee! Ou est ton maitre?
MARC.
Je le cherche! il est sorti... sorti pendant que je m'etais endormi!
Malheureux que je suis!... J'allais voir chez vous.
LE PRECEPTEUR.
Je ne l'ai pas rencontre... Mais il est sorti arme, n'est-ce pas?
MARC.
Il est sorti sans armes pour la premiere fois de sa vie, il a oublie
jusqu'a son poignard. Ah! je n'ose vous dire mes craintes. Il avait tant
de chagrin! Depuis quelques jours il ne mangeait plus, il ne dormait
plus, il ne lisait plus, il ne restait pas un instant a la meme place.
ASTOLPHE.
Tais-toi, Marc, tu m'assassines. Cherchons-le!... Que vois-je ici?..
_(Il lui arrache la lanterne, et l'approche de Giglio.)_ Que fait la cet
homme?
GIGLIO.
Tuez-moi! tuez-moi!
LE PRECEPTEUR.
Et ici un cadavre!
MARC, _d'une voix etouffee par les cris_.
Mosca...
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