brulant d'ete, une tempete
epouvantable s'abat sur le bourg de Saint-Maurice-les-Etangs. Une
famille, composee du pere, de la mere et des trois enfants fut tuee
par la foudre.
Toute la paroisse se leva comme un seul homme et accompagna ces cinq
cercueils a l'eglise et au cimetiere. Je suivis la foule. L'impiete
n'est pas toujours de saison. On m'aurait, ce jour-la, jete des
pierres, si je m'etais abstenu d'assister aux funerailles, ou si, en y
allant, j'avais affecte de ne pas entrer dans l'eglise. J'entrai donc
et je fis comme les autres.
Il y avait pres de dix-huit ans que je n'avais mis le pied dans la
maison de Dieu; aussi etais-je embarrasse de ma personne au milieu
de la foule qui remplissait, ce jour-la, l'eglise. Pendant que je
cherchais un coin pour m'y cacher, le sacristain vint a moi et me fit
signe de le suivre. Je le suivis machinalement, me demandant ce que ce
bonhomme me voulait. Quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu'il m'ouvrit
le vieux banc de ma famille, toujours a sa place et toujours inoccupe,
comme si j'avais continue a payer a la fabrique la taxe annuelle!
Je n'etais pas a la fin de mes etonnements.
Le sacristain revint au bout de quelques minutes, apportant une petite
clef rouillee. Il me la remit en disant:
--Voici votre clef.
Je me rappelai alors qu'il y avait dans notre banc un petit coffret
scelle, moitie dans le bois, moitie dans la pierre, ou ma pieuse mere
mettait ses livres de prieres.
Le coffret, lui aussi, etait a sa place; je le reconnus, je reconnus
la clef. J'ouvris, pousse comme par une force surnaturelle. Quelle ne
fut pas mon emotion, en trouvant dans le coffret des livres dont ma
mere se servait et ou elle m'avait fait lire souvent de si belles
prieres! Ils etaient la, a peine deteriores par le temps et
l'humidite, le _Formulaire de prieres_, l'_Ange conducteur_,
l'_Imitation de Jesus-Christ_...
Ma presence dans l'eglise et dans le banc de ma famille eut fait
sensation en d'autres circonstances. Grace a la foule et a ces
funerailles extraordinaires, elle passa inapercue. Je pus, non pas
prier,--je ne savais plus le faire,--mais rever et reflechir comme si
j'avais ete seul. Ayant ouvert l'_Imitation_ pour me donner une
contenance, j'y trouvai une feuille de papier detachee, jaunie par le
temps et le contact des doigts. Elle contenait une priere ecrite de la
main de ma mere. La voici:
"Oh! mon Dieu! ne me punissez pas de ce que je n'ai pas assez de foi
pour sou
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