un lieu plus commodes pour acquerir le gout du devoir
et s'y fortifier petit a petit. Tout en allant a vos affaires, vous
accomplissez, une multitude d'actes vertueux qui laissent derriere
vous une precieuse semence. Avec le droit, vous semiez des cailloux;
avec le devoir, vous semez de bons exemples. De plus, votre patience
se fortifie, et vous faites la conquete de l'humilite, la plus belle
des vertus.
Il y a quelques annees, pour me rendre a mon bureau, je suivais chaque
matin la rue du Four. Tres souvent j'y rencontrais un homme dont le
vetement indiquait un ouvrier a son aise.
Nous nous croisions. Je descendais toujours du trottoir. Lui recevait
l'hommage et continuait toujours de son pas vainqueur.
Un matin, la rue etait plus malpropre et plus obstruee que
d'ordinaire. Il y avait vraiment du merite a ceder la belle place. Je
voyais venir mon superbe ouvrier. Il crut que je ne m'executerais pas
de bonne grace. Il souriait insolemment et se disposait a me faire
obeir.
Je me sacrifiai a propos, sans hesitation, mais non pas sans dignite.
Cela le surprit. Il se retourna et me suivit des yeux, jouissant de
mes difficultes avec un air de bravade.
J'avais aussi tourne la tete; son orgueil imbecile se brisa contre
un regard fixe et froid que je maintins sur lui pendant quelques
secondes. Je sentis qu'il m'en garderait rancune.
En effet, le lendemain, le surlendemain encore, il me parut courrouce.
Une resistance de ma part lui eut ete bien agreable! Il l'attendit en
vain.
Un des jours suivants, la pluie se mit a tomber tout a coup. La rue du
Four ressemblait a un de ces chemins vicinaux de la Brie pouilleuse,
ou le paysan monte sur son ane ne se hasarderait pas l'hiver, par
crainte d'y perdre sa monture.
Les pietons, bien ou mal vetus, les marchandes de noix ou de
maquereaux se remisaient sous les grandes portes. Quoique muni d'un
parapluie, je fis de meme, et je me melai a un groupe de pauvres gens
qui attendaient la fin de la giboulee en geignant.
Mon homme etait la! Nous nous regardames du coin de l'oeil. Il
paraissait de mechante humeur, et la pluie le contrariait evidemment
plus qu'aucun de ses voisins.
Je prononcai a son intention quelque phrase banale sur le temps.
Il repondit, comme se parlant a soi-meme:
--Oui, un joli temps, quand on est presse! Je suis attendu dans une
maison, a cent pas d'ici, chez des bourgeois. Je voudrais y arriver
propre, et il faut que je reste la. Je vais pe
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