transport: "Celui que je vois maintenant sur le chemin du ciel,
c'est mon pere! Oh! Seigneur, soyez, soyez a jamais beni!"
* * * * *
28.--LE ROSIER DU MOIS DE MARIE.
Papa, disait une enfant de six ans a un ancien militaire qui, nouveau
Cincinnatus, occupait ses loisirs a cultiver ses jardins et ses
champs, donnez-moi ces jolies roses qui sentent si bon, et dont la
blancheur egale celle des lis.--Pour les effeuiller, sans doute?
repondit le pere a l'enfant.--Non, non, repliqua celle-ci: elles sont
trop belles pour cela.--Mais qu'en feras-tu?--C'est mon secret.--Ton
secret! Le mot est risible... Et si je te donnais l'arbuste entier, me
devoilerais-tu cet important mystere?--Cher Papa, donnez toujours; je
vous dirai plus tard a qui je destine ces fleurs.--A la tombe de ta
pauvre mere, sans doute?--C'est bien pour ma mere... mais... pour ma
Mere du ciel." En prononcant ces derniers mots, la voix de l'enfant
avait un accent si penetrant et si doux, que le pere, sans en avoir
compris le sens, en fut neanmoins profondement emu. Il s'avanca donc
vers le rosier, le detacha habilement de la terre, et le remit entre
les mains de sa petite fille, qui s'eloigna aussitot, emportant avec
elle son cher tresor.
Quand la bonne petite rentra au logis, il etait deja tard. Son pere
l'embrassa plus tendrement encore que de coutume et se retira dans
sa chambre pour prendre un repos bien necessaire apres une journee
employee a de rudes labeurs. Mais, helas! le sommeil ne vint point
fermer ses paupieres: une agitation febrile, inaccoutumee, s'etait
emparee de son esprit: les souvenirs d'un passe grossi d'orages
revenaient a sa memoire et lui causaient un indicible effroi. Lui, le
brave guerrier, le soldat intrepide, que le bruit du canon et de
la mitraille n'avait jamais fait palir, eprouvait un saisissement
inexprimable.
Pour calmer ces cruelles angoisses, vrai cauchemar de l'ame cause par
le remords, il se mit a balbutier quelques-unes de ces prieres qu'aux
jours de son enfance il avait bien des fois redites sur les genoux
maternels; et les mots benis qui, depuis tant d'annees peut-etre,
jamais n'avaient effleure les levres du vieux militaire, vinrent s'y
placer en ordre les uns apres les autres, et former ce tout sublime
connu sous le titre d'Oraison dominicale ou priere du Seigneur ...
La priere! ce cri du coeur, cet elan de l'ame vers Celui qui l'a
creee, qui l'aime, qui _veut_ et qui _pe
|