Darzac...
-- Mlle Stangerson va beaucoup mieux et se remettra rapidement de
ses blessures. C'est un mariage simplement retarde, n'est-ce pas,
monsieur? insista le chef de la Surete.
-- Je l'espere.
-- Comment! Vous n'en etes pas sur?"
M. Stangerson se tut. M. Robert Darzac parut agite, ce que je vis
a un tremblement de sa main sur sa chaine de montre, car rien ne
m'echappe. M. Dax toussotta comme faisait M. de Marquet quand il
etait embarrasse.
"Vous comprendrez, monsieur Stangerson, dit-il, que, dans une
affaire aussi embrouillee, nous ne pouvons rien negliger; que nous
devons tout savoir, meme la plus petite, la plus futile chose se
rapportant a la victime... le renseignement, en apparence, le plus
insignifiant... Qu'est-ce donc qui vous a fait croire que, dans la
quasi-certitude, ou nous sommes maintenant, que Mlle Stangerson
vivra, ce mariage pourra ne pas avoir lieu? Vous avez dit:
"j'espere." Cette esperance m'apparait comme un doute. Pourquoi
doutez-vous?"
M. Stangerson fit un visible effort sur lui-meme:
"Oui, monsieur, finit-il par dire. Vous avez raison. Il vaut mieux
que vous sachiez une chose qui semblerait avoir de l'importance si
je vous la cachais. M. Robert Darzac sera, du reste, de mon avis."
M. Darzac, dont la paleur, a ce moment, me parut tout a fait
anormale, fit signe qu'il etait de l'avis du professeur. Pour moi,
si M. Darzac ne repondait que par signe, c'est qu'il etait
incapable de prononcer un mot.
"Sachez donc, monsieur le chef de la Surete, continua M.
Stangerson, que ma fille avait jure de ne jamais me quitter et
tenait son serment malgre toutes mes prieres, car j'essayai
plusieurs fois de la decider au mariage, comme c'etait mon devoir.
Nous connumes M. Robert Darzac de longues annees. M. Robert Darzac
aime ma fille. Je pus croire, un moment, qu'il en etait aime,
puisque j'eus la joie recente d'apprendre de la bouche meme de ma
fille qu'elle consentait enfin a un mariage que j'appelais de tous
mes voeux. Je suis d'un grand age, monsieur, et ce fut une heure
benie que celle ou je connus enfin qu'apres moi Mlle Stangerson
aurait a ses cotes, pour l'aimer et continuer nos travaux communs,
un etre que j'aime et que j'estime pour son grand coeur et pour sa
science. Or, monsieur le chef de la Surete, deux jours avant le
crime, par je ne sais quel retour de sa volonte, ma fille m'a
declare qu'elle n'epouserait pas M. Robert Darzac."
Il y eut ici un silence pesant. La minute
|