ception a l'Elysee. Ils ont meme assiste au diner, je crois
bien. Toujours est-il qu'ils sont restes a la reception, "puisque
je les y ai vus". J'y etais, moi, par devoir professionnel. Je
devais interviewer un de ces savants de l'Academie de Philadelphie
que l'on fetait ce jour-la. Jusqu'a ce jour, je n'avais jamais vu
ni M. ni Mlle Stangerson. J'etais assis dans le salon qui precede
le salon des Ambassadeurs, et, las d'avoir ete bouscule par tant
de nobles personnages, je me laissais aller a une vague reverie,
_quand je_ _sentis passer le parfum de la dame en noir._ Vous me
demanderez: "qu'est-ce que le parfum de la dame en noir?" Qu'il
vous suffise de savoir que c'est un parfum que j'ai beaucoup aime,
parce qu'il etait celui d'une dame, toujours habillee de noir, qui
m'a marque quelque maternelle bonte dans ma premiere jeunesse. La
dame qui, ce jour-la, etait discretement impregnee du "parfum de
la dame en noir" etait habillee de blanc. Elle etait
merveilleusement belle. Je ne pus m'empecher de me lever et de la
suivre, elle et son parfum. Un homme, un vieillard, donnait le
bras a cette beaute. Chacun se detournait sur leur passage, et
j'entendis que l'on murmurait: "C'est le professeur Stangerson et
sa fille!" C'est ainsi que j'appris qui je suivais. Ils
rencontrerent M. Robert Darzac que je connaissais de vue. Le
professeur Stangerson, aborde par l'un des savants americains,
Arthur-William Rance, s'assit dans un fauteuil de la grande
galerie, et M. Robert Darzac entraina Mlle Stangerson dans les
serres. Je suivais toujours. Il faisait, ce soir-la, un temps tres
doux; les portes sur le jardin etaient ouvertes. Mlle Stangerson
jeta un fichu leger sur ses epaules et je vis bien que c'etait
elle qui priait M. Darzac de penetrer avec elle dans la quasi-
solitude du jardin. Je suivis encore, interesse par l'agitation
que marquait alors M. Robert Darzac. Ils se glissaient maintenant,
a pas lents, le long du mur qui longe l'avenue Marigny. Je pris
par l'allee centrale. Je marchais parallelement a mes deux
personnages. Et puis, je "coupai"a travers la pelouse pour les
croiser. La nuit etait obscure, l'herbe etouffait mes pas. Ils
etaient arretes dans la clarte vacillante d'un bec de gaz et
semblaient, penches tous les deux sur un papier que tenait Mlle
Stangerson, lire quelque chose qui les interessait fort. Je
m'arretai, moi aussi. J'etais entoure d'ombre et de silence. Ils
ne m'apercurent point, et j'entendis distincteme
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