e boulevart, se porta vers les Tuileries. Des femmes, des
enfans, des hommes ivres, composaient ce rassemblement formidable; ces
derniers etaient armes de batons, et portaient ces mots ecrits sur
leurs chapeaux: _Du pain et la constitution de 93._
Dans ce moment la convention ecoutait un rapport de Boissy-d'Anglas sur
les divers systemes adoptes en matiere de subsistances. Elle n'avait
aupres d'elle que sa garde ordinaire; le rassemblement etait parvenu
jusqu'a ses portes; il inondait le Carrousel, les Tuileries, et
obstruait toutes les avenues, de maniere que les nombreuses patrouilles
repandues dans Paris ne pouvaient venir au secours de la representation
nationale. La foule s'introduit dans le salon de la Liberte, qui
precedait la salle des seances, et veut penetrer jusqu'au sein meme de
l'assemblee. Les huissiers et la garde font effort pour l'arreter; des
hommes, armes de batons, se precipitent, dispersent tout ce qui veut
resister, se ruent contre les portes, les enfoncent, et debordent enfin,
comme un torrent, dans le milieu de l'assemblee, en poussant des cris,
en agitant leurs chapeaux, et en soulevant un nuage de poussiere. _Du
pain! du pain! la constitution de 93!_ tels sont les mots vociferes par
cette foule aveugle. Les deputes ne quittent point leurs sieges, et
montrent un calme imposant. Tout a coup l'un d'eux se leve, et crie:
_Vive la republique!_ Tous l'imitent, et la foule pousse aussi le meme
cri, mais elle ajoute: _Du pain! la constitution de 93!_ Les membres
seuls du cote gauche font eclater quelques applaudissemens, et ne
semblent pas attristes de voir la populace au milieu d'eux. Cette
multitude, a laquelle, on n'avait trace aucun plan, dont les meneurs ne
voulaient se servir que pour intimider la convention, se repand parmi
les deputes, va s'asseoir a cote d'eux, mais sans oser se permettre
aucune violence a leur egard. Legendre veut prendre la parole. "Si
jamais, dit-il, la malveillance...." On ne le laisse pas continuer. "A
bas! a bas! s'ecrie la multitude, nous n'avons pas de pain." Merlin (de
Thionville), toujours aussi courageux qu'a Mayence ou dans la Vendee,
quitte sa place, descend au milieu de la populace, parle a plusieurs de
ces hommes, les embrasse, en est embrasse, et les engage a respecter la
convention.... "A ta place! lui crient quelques montagnards.--Ma place,
repond Merlin, est au milieu du peuple. Ces hommes viennent de m'assurer
qu'ils n'ont aucune mauvaise intention; qu'ils
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