hrist, etc." Il est vrai que des religieux plus aimables, plus
mondains, se montraient pour lui moins severes. Le pere Rapin louait au
long Moliere dans ses _Reflexions sur la Poetique_, et ne le chicanait
que sur la negligence de ses denouments; Bouhours lui fit une epitaphe
en vers francais agreables et judicieux.
Moliere au reste est tellement _homme_ dans le libre sens, qu'il
obtint plus tard les anathemes de la philosophie altiere et pretendue
reformatrice, autant qu'il avait merite ceux de l'episcopat dominateur.
Sur quatre chefs differents, a propos de _l'Avare_, du _Misanthrope_, de
_Georges Dandin_ et du _Bourgeois Gentilhomme_, Jean-Jacques n'entend
pas raillerie et ne l'epargne guere plus que n'avait fait Bossuet.
Tout ceci est pour dire que, comme Shakspeare et Cervantes, comme trois
ou quatre genies superieurs dans la suite des ages, Moliere est peintre
de la nature humaine au fond, sans acception ni preoccupation de culte,
de dogme fixe, d'interpretation formelle; qu'en s'attaquant a la societe
de son temps, il a represente la vie qui est partout celle du grand
nombre, et qu'au sein de moeurs determinees qu'il chatiait au vif, il
s'est trouve avoir ecrit pour tous les hommes.
Jean-Baptiste Poquelin naquit a Paris le 15 janvier 1622, non pas, comme
on l'a cru longtemps, sous les piliers des halles, mais, d'apres
la decouverte qu'en a faite M. Beffara, dans une maison de la rue
Saint-Honore, au coin de la rue des Vieilles-Etuves[4]. Il etait par sa
mere et par son pere d'une famille de tapissiers. Son pere, qui,
outre son etat, avait la charge de valet-de-chambre-tapissier du roi,
destinait son fils a lui succeder, et le jeune Poquelin, mis de bonne
heure en apprentissage dans la boutique, ne savait guere a quatorze ans
que lire, ecrire, compter, enfin les elements utiles a sa profession.
Son grand-pere maternel pourtant, qui aimait fort la comedie, le menait
quelquefois a l'hotel de Bourgogne, ou jouait Bellerose dans le haut
comique, Gautier-Garguille, Gros-Guillaume et Turlupin dans la farce.
Chaque fois qu'il revenait de la comedie, le jeune Poquelin etait plus
triste, plus distrait du travail de la boutique, plus degoute de la
perspective de sa profession. Qu'on se figure ces matinees reveuses
d'un lendemain de comedie pour le genie adolescent devant qui, dans la
nouveaute de l'apparition, la vie humaine se deroulait deja comme une
scene perpetuelle. Il s'en ouvrit enfin a son pere, et, appuye de so
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