ar les lettres et les
bourgeois. C'est triste a dire. Il ne faut meme pas le dire, et surtout
il ne faut pas se decourager. La perte d'argent n'est qu'un desagrement;
la perte de travail moral, le devouement inutile sont des chagrins dont
il ne faut pas se trop preoccuper; et il n'y a qu'un mot qui serve _En
avant! en avant!_--Bonsoir, chers enfants, Desiree, Solange; je vous
embrasse de toute mon ame.
CCCXXXIII
A M. ERNEST PERIGOIS, A LA CHATRE.
Paris, 25 octobre 1851
Mon cher ami, je suis tres touchee de vos eloges, car ils sont tres
affectueux, et tres flattee de vos vers.
En reponse a des vers qu'il lui avait adresses, apres une
representation, a Nohant, de _Nello_, joue plus tard a l'Odeon, sous le
titre de _Maitre Favilla_. car ils me semblent tres beaux. Je ne m'y
connais guere, quoique je ies aime beaucoup. Mais ceux-la me paraissent
pleins d'idees, et la forme en est belle, a coup sur. Maintenant, est-ce
que je merite tout cela? Non certainement; mais, si vous le pensez de
moi, sans en etre vaine, j'en suis reconnaissante.
Je vois que vous etes bien penetre de la verite dont j'ai fait ma
methode et mon but dans l'art, et je trouve que vous la dites mieux dans
vos vers que je ne saurais la raisonner dans ma prose. C'est que la
verite, c'est l'ideal, dans l'ordre abstrait, comme le reel, c'est le
mensonge. Dieu tolere le reel et ne l'accepte pas; comme nous, nous
aspirons vers l'ideal et ne l'atteignons pas. Il n'en existe pas moins,
l'ideal, puisqu'il doit devenir realite dans le sein de Dieu, et meme,
esperons-le pour l'avenir du monde, realite sur la terre.
Je vous reserve depuis longtemps un exemplaire de mon oeuvre complete
illustree, non pas pour vous condamner a tout lire, mais pour que vous
l'ayez de moi en souvenir de moi. J'attends, pour vous en commencer
l'envoi, qu'il y ait des volumes parus en parties brochees; car ces
feuilles volantes sont fort incommodes et deviennent tout de suite
malpropres.
Embrassez Angele et vos enfants pour moi, s'ils sont pres de vous, et
gardez-moi tous deux bonne place dans votre coeur. J'y tiens, vous le
savez.
GEORGE SAND.
CCCXXXIV
A MADAME AUGUSTINE DE BERTHOLDI, A LUNEVILLE
Nohant, 6 decembre 1851.
Chere enfant, rassure-toi. Je suis partie de Paris, le 4 au soir, a
travers la fusillade, et je suis ici avec Solange, sa fille, Maurice,
Lambert et Manceau, depuis hi
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