ne prouve que l'arbre, mais il annonce la foret.
Ce livre, s'il n'y avait pas quelque affectation dans des comparaisons
de cette nature, aurait, lui aussi, ce double caractere. Il existe
solitairement et forme un tout; il existe solidairement et fait partie
d'un ensemble.
Cet ensemble, que sera-t-il?
Exprimer l'humanite dans une espece d'oeuvre cyclique; la peindre
successivement et simultanement sous tous ses aspects, histoire, fable,
philosophie, religion, science, lesquels se resument en un seul et
immense mouvement d'ascension vers la lumiere; faire apparaitre dans
une sorte de miroir sombre et clair--que l'interruption naturelle des
travaux terrestres brisera probablement avant qu'il ait la dimension
revee par l'auteur--cette grande figure une et multiple, lugubre et
rayonnante, fatale et sacree, l'Homme; voila de quelle pensee, de quelle
ambition, si l'on veut, est sortie _La Legende des Siecles_.
Le volume qu'on va lire n'en contient que la premiere partie, la
premiere serie, comme dit le titre.
Les poemes qui composent ce volume ne sont donc autre chose que des
empreintes successives du profil humain, de date en date, depuis Eve,
mere des hommes, jusqu'a la Revolution, mere des peuples; empreintes
prises, tantot sur la barbarie, tantot sur la civilisation, presque
toujours sur le vif de l'histoire; empreintes moulees sur le masque des
siecles.
Quand d'autres volumes se seront joints a celui-ci, de facon a rendre
l'oeuvre un peu moins incomplete, cette serie d'empreintes, vaguement
disposees dans un certain ordre chronologique, pourra former une sorte
de galerie de la medaille humaine.
Pour le poete comme pour l'historien, pour l'archeologue comme pour
le philosophe, chaque siecle est un changement de physionomie de
l'humanite. On trouvera dans ce volume, qui, nous le repetons, sera
continue et complete, le reflet de quelques-uns de ces changements de
physionomie.
On y trouvera quelque chose du passe, quelque chose du present et comme
un vague mirage de l'avenir. Du reste, ces poemes, divers par le sujet,
mais inspires par la meme pensee, n'ont entre eux d'autre noeud qu'un
fil, ce fil qui s'attenue quelquefois au point de devenir invisible,
mais qui ne casse jamais, le grand fil mysterieux du labyrinthe humain,
le Progres.
Comme dans une mosaique, chaque pierre a sa couleur et sa forme propre;
l'ensemble donne une figure. La figure de ce livre, on l'a dit plus
haut, c'est l'Homme.
Ce volu
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