nchissent dans les plaines.
Le bon roi Charle est plein de douleur et d'ennui;
Son cheval syrien est triste comme lui.
Il pleure; l'empereur pleure de la souffrance
D'avoir perdu ses preux, ses douze pairs de France,
Ses meilleurs chevaliers qui n'etaient jamais las,
Et son neveu Roland, et la bataille, helas!
Et surtout de songer, lui, vainqueur des Espagnes,
Qu'on fera des chansons dans toutes ces montagnes
Sur ses guerriers tombes devant des paysans,
Et qu'on en parlera plus de quatre cents ans!
Cependant il chemine; au bout de trois journees
Il arrive au sommet des hautes Pyrenees.
La, dans l'espace immense il regarde en revant;
Et sur une montagne, au loin, et bien avant
Dans les terres, il voit une ville tres forte,
Ceinte de murs avec deux tours a chaque porte.
Elle offre a qui la voit ainsi dans le lointain
Trente maitresses tours avec des toits d'etain,
Et des machicoulis de forme sarrasine
Encor tout ruisselants de poix et de resine.
Au centre est un donjon si beau, qu'en verite
On ne le peindrait pas dans tout un jour d'ete.
Ses creneaux sont scelles de plomb, chaque embrasure
Cache un archer dont l'oeil toujours guette et mesure.
Ses gargouilles font peur, a son faite vermeil
Rayonne un diamant gros comme le soleil,
Qu'on ne peut regarder fixement de trois lieues.
Sur la gauche est la mer aux grandes ondes bleues,
Qui jusqu'a cette ville apporte ses dromons.
Charle, en voyant ces tours tressaille sur les monts.
--Mon sage conseiller, Naymes, duc de Baviere,
Quelle est cette cite pres de cette riviere?
Qui la tient la peut dire unique sous les cieux.
Or, je suis triste, et c'est le cas d'etre joyeux.
Oui, dusse-je rester quatorze ans dans ces plaines,
0 gens de guerre, archers compagnons, capitaines,
Mes enfants! mes lions! saint Denis m'est temoin
Que j'aurai cette ville avant d'aller plus loin!--
Le vieux Naymes frissonne a ce qu'il vient d'entendre.
--Alors, achetez-la, car nul ne peut la prendre,
Elle a pour se defendre, outre ses Bearnais,
Vingt mille Turcs ayant chacun double harnais.
Quant a nous, autrefois, c'est vrai, nous triomphames;
Mais, aujourd'hui, vos preux ne valent pas des femmes,
Ils sont tous harasses et du gite envieux,
Et je suis le moins las, moi qui suis le plus vieux.
Sire, je parle franc et je ne farde guere.
D'ailleurs, nous n'avons point de machines de guerre;
L
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