es chevaux sont rendus, les gens rassasies;
Je trouve qu'il est temps que vous vous reposiez,
Et je dis qu'il faut etre aussi fou que vous l'etes
Pour attaquer ces tours avec des arbaletes.
L'empereur repondit au duc avec bonte:
--Duc, tu ne m'as pas dit le nom de la cite?
--On peut bien oublier quelque chose a mon age.
Mais, sire, ayez pitie de votre baronnage;
Nous voulons nos foyers, nos logis, nos amours.
C'est ne jouir jamais que conquerir toujours.
Nous venons d'attaquer bien des provinces, sire,
Et nous en avons pris de quoi doubler l'empire.
Ces assieges riraient de vous du haut des tours.
Ils ont, pour recevoir surement des secours,
Si quelque insense vient heurter leurs citadelles,
Trois souterrains creuses par les Turcs infideles,
Et qui vont, le premier, dans le val de Bastan,
Le second, a Bordeaux, le dernier, chez Satan.
L'empereur, souriant, reprit d'un air tranquille:
--Duc, tu ne m'as pas dit le nom de cette ville?
--C'est Narbonne.
--Narbonne est belle, dit le roi,
Et je l'aurai; je n'ai jamais vu, sur ma foi,
Ces belles filles-la sans leur rire au passage,
Et me piquer un peu les doigts a leur corsage.--
Alors, voyant passer un comte de haut lieu,
Et qu'on appelait Dreus de Montdidier.--Pardieu!
Comte, ce bon duc Naymes expire de vieillesse!
Mais vous, ami, prenez Narbonne, et je vous laisse
Tout le pays d'ici jusques a Montpellier;
Car vous etes le fils d'un gentil chevalier;
Votre oncle, que j'estime, etait abbe de Chelles;
Vous-meme etes vaillant; donc, beau sire, aux echelles!
L'assaut!
--Sire empereur, repondit Montdidier,
Je ne suis desormais bon qu'a congedier;
J'ai trop porte haubert, maillot, casque et salade;
J'ai besoin de mon lit, car je suis fort malade;
J'ai la fievre; un ulcere aux jambes m'est venu;
Et voila plus d'un an que je n'ai couche nu.
Gardez tout ce pays, car je n'en ai que faire.
L'empereur ne montra ni trouble ni colere.
Il chercha du regard Hugo de Cotentin;
Ce seigneur etait brave et comte palatin.
--Hugues, dit-il, je suis aise de vous apprendre
Que Narbonne est a vous; vous n'avez qu'a la prendre.
Hugo de Cotentin salua l'empereur.
--Sire, c'est un manant heureux qu'un laboureur!
Le drole gratte un peu la terre brune ou rouge
Et, quand sa tache est faite, il rentre dans son bouge.
Moi, j'ai vaincu Tryphon, Thessalus
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