soumise a sa volonte. Je m'informai de Moserwald; il etait parti au
point du jour.
J'attendis le reveil d'Henri, et, apres un frugal dejeuner, nous
partimes ensemble pour une belle promenade qui dura une grande partie de
la journee, et durant laquelle il ne fut plus question ni des Valvedre,
ni du juif, ni de moi-meme. Nous etions tout a la nature splendide qui
nous environnait. J'en jouissais en artiste ebloui qui ne cherche pas
encore a se rendre compte de l'effet produit sur son ame par la
nouveaute des grands spectacles, et qui, domine par la sensation, n'a
pas le loisir de savourer et de resumer. Familiarise avec la sublimite
des montagnes et occupe de surprendre les mysteres de la vegetation,
Obernay me paraissait moins enivre et plus heureux que moi. Il etait
sans fievre et sans cris, tandis que je n'etais que vertige et
transports.
Vers trois heures de l'apres-midi, comme il parlait d'escalader encore
une banquette de roches terribles pour chercher un petit saxifrage
_rarissimus_ qui devait se trouver par la, je lui avouai que je me
sentais tres-fatigue, et que je me mourais de faim, de chaud et de soif.
--Au fait, cela doit etre, repondit-il. Je suis un egoiste, je ne songe
pas que toute chose exige un apprentissage, et que tu ne seras pas bon
marcheur dans ce pays-ci avant huit ou dix jours de fatigues
progressives. Tu me permettras d'aller chercher mon saxifrage; il est un
peu tard dans la saison, et je crains fort de le trouver tout en
graines, si je remets la chose a demain. Peut-etre, ce soir,
trouverai-je encore quelques corolles ouvertes. Je te rejoindrai a
Saint-Pierre, a l'heure du diner. Toi, tu vas suivre le sentier ou nous
sommes; il te conduira sans danger et sans fatigue, dans dix minutes
tout au plus, a un chalet cache derriere le gros rocher qui nous fait
face. Tu trouveras la du lait a discretion. Tu descendras ensuite vers
la vallee en prenant toujours a gauche, et tu regagneras notre gite en
flanant le long du torrent. Le chemin est bon, et tu seras en pleine
ombre.
Nous nous separames, et, apres m'etre desaltere et repose un quart
d'heure au chalet indique, je descendis vers la vallee. Le sentier etait
fort bon, en comparaison de ceux qu'Obernay m'avait fait parcourir, mais
si etroit, que, lorsque je m'y rencontrais avec des troupeaux defilant
tete par tete a mes cotes, je devais leur ceder le pas et grimper sur
des talus plus ou moins accessibles, pour n'etre pas precipite dans une
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