r le vicomte, votre, etc.
VINGT-HUITIEME LETTRE
En rade de Toulon, le 14 janvier 1830.
C'est aujourd'hui que je comptais recouvrer ma liberte, perdre mon titre
de pestifere, dire adieu au lazaret et bonjour aux rues d'une ville
francaise. Le conseil de sante en a juge autrement; considerant que
l'_Astrolabe_, avant de nous prendre a Alexandrie, etait allee mettre M.
de Malivoir, consul d'Alep, a Latakie, sur la cote de Syrie, ou un canot
l'avait depose, l'_Astrolabe_ ayant ensuite mis a la voile pour
retourner en Egypte, ledit conseil a augmente notre quarantaine de dix
jours de plus, en nous considerant comme _provenance brute_. Cette
decision malencontreuse aura son cours, parce que ces messieurs l'ont
juge ainsi selon leur bon plaisir. L'Egypte, depuis cinq ans, n'a pas vu
de peste; l'etat sanitaire de Latakie etait parfait; le canot seul
avait touche terre; quarante jours et plus s'etaient ecoules, a notre
entree en rade de Toulon, depuis le depart de l'_Astrolabe_ de devant
Latakie; aucune maladie ne s'etait montree a bord; vingt autres jours de
quarantaine a Toulon, expires hier 13, ajoutes aux quarante precedents,
donnent deux mois d'epreuve a la sante de l'equipage; et quand meme, on
en exige encore dix de plus! Le plus plaisant, s'il y a le mot pour rire
dans un tel acte, c'est que le brick l'_Eclipse_, avec les officiers et
les passagers duquel nous avons vecu tous les jours bras dessus bras
dessous a Alexandrie, est arrive trois jours avant nous a Toulon, et n'a
ete soumis qu'a vingt jours de quarantaine. Si nous avions la peste, les
personnes de l'_Eclipse_ doivent l'avoir prise de nous; s'ils sont
declares sains, c'est que nous le sommes nous-memes. Tout cela ne m'a
pas semble tres-rationnel, surtout quand il en resulte un supplement de
quarantaine.
Je vais ecrire a M. le duc de Blacas, puisqu'il est de retour a Paris.
J'espere qu'il aura recu les deux lettres que je me suis fait un devoir
de lui adresser, la premiere de Thebes, en remontant le Nil, et la
seconde apres avoir quitte la seconde cataracte; je donne dans celle-ci
une idee generale de mes conquetes historiques en Nubie, et c'est a M.
le duc de Blacas que j'en devais le premier hommage.
Cette lettre-ci te parviendra par M. le ministre de la marine, auquel je
viens d'adresser quelques renseignements importants qu'il m'a demandes
au sujet du transport de l'obelisque de Louqsor. Dieu veuille que cette
belle entreprise s'acheve! cel
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